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Qu’on le veuille ou non, un seul monde et le droit à la migration

In Africa, Anticolonialism, Asia, Being a World Citizen, Conflict Resolution, Current Events, Democracy, Europe, Fighting Racism, Human Rights, Latin America, Middle East & North Africa, Migration, NGOs, Refugees, Solidarity, Syria, The former Soviet Union, The Search for Peace, Track II, United Nations, World Law on December 28, 2021 at 5:00 PM

Par Bernard J. Henry

Deux ans déjà, deux ans d’une guerre mondiale qui semble interminable, une Troisième Guerre Mondiale non entre deux ou plusieurs alliances d’Etats souverains, ou contre un envahisseur extraterrestre comme dans certains films ou séries de science-fiction, mais contre un virus – un coronavirus, le SARS-CoV-2 responsable de la COronaVIrus Disease of 2019 ou Covid-19. Après la souche originelle dite de Wuhan, le monde a découvert les variants, d’abord affublés de gentilés (anglais, sud-africain, indien) puis renommés selon l’alphabet grec : Alpha, Beta, Delta …  Et maintenant Omicron.

La lutte progresse mais la pandémie sait contre-attaquer, comme avec Omicron. Hélas, l’inégalité vaccinale entre pays et régions du monde, couplée aux décisions scientifiquement absurdes de certains gouvernements, se fait pour le virus une alliée inespérée.

L’histoire nous l’enseigne, lorsqu’une crise mondiale éclate et se prolonge, ce n’est pas après qu’elle a pris fin qu’il faut envisager l’avenir, mais pendant même qu’elle se produit, et faire de ses projets son but réel de guerre. L’histoire nous l’enseigne, oui, et l’an prochain verra le quatre-vingtième anniversaire des Nations Unies, non pas de l’organisation internationale créée en 1945 à San Francisco – également berceau de l’Association of World Citizens (AWC) – mais de l’alliance militaire des pays combattant l’Allemagne nazie, l’Italie fasciste et le Japon. Une alliance militaire qui avait retenu les leçons de l’échec de la Société des Nations et compris, à l’avenant, qu’un combat armé ne vaut rien s’il n’est porteur d’un projet politique pour un monde en paix, donc, un monde plus uni.

Un monde plus uni …  Que certains partis politiques ici ou là le veuillent ou non, c’est ce que produira inéluctablement cette pandémie, après une épreuve dont aucun continent sur terre n’aura été épargné. Et même si cela dérange ces partis xénophobes de divers pays et continents, là encore, ce monde ne pourra plus regarder de la même manière le sujet dont ils ont fait leur fonds de commerce pendant le demi-siècle écoulé – la migration.

La forteresse WENA

Si c’est littéralement le monde entier qui est touché, tout comme par la Covid-19, par le virus de la xénophobie qu’aucun vaccin ne vient enrayer, le centre mondial de l’épidémie est bien la WENA (Western Europe and North America, Europe occidentale et Amérique du Nord). Depuis le début du siècle, avec des entrées au gouvernement en Autriche et en Italie notamment, ainsi qu’une présence au second tour de l’élection présidentielle en France et un résultat électoral sans précédent aux Pays-Bas, l’extrême droite xénophobe n’a cessé de croître en WENA, jusqu’à fusionner au Canada avec la droite traditionnelle incarnée par le Parti conservateur. Mais, après des reflux ici et là, l’année 2015 est venue lui ouvrir grand les portes jusqu’alors closes du pouvoir.

Après ce que d’aucuns appelaient la «crise migratoire» de l’été, lorsque migrants et réfugiés avaient eu l’impudence de venir déranger la baignade et la bronzette des Européens en accostant sur la rive sud de la Méditerranée, un exode vite réduit par certains à une attaque envers l’Occident de Daesh, le soi-disant «État islamique en Irak et en Syrie» qui avait déjà en janvier fait couler le sang à Paris, la Grande-Bretagne suivit sans mal l’année suivante un UKIP déchaîné contre des hordes d’envahisseurs vers le vote du Brexit. A des milliers de kilomètres de là, loin des rivages du désespoir, un Donald Trump donné perdant d’avance remporta contre toute attente la Maison Blanche en évoquant, entre autres, un mur géant le long de la frontière mexicaine censé bloquer toute immigration clandestine. En 2017, bien que largement vaincue en fin de compte, l’extrême droite française atteignit une nouvelle fois les marches de l’Élysée. En 2018, les électeurs italiens consacrèrent Matteo Salvini. Il ne suffisait plus d’une «forteresse Europe», le temps était venu d’une «forteresse WENA», à bâtir du plus ironiquement sur des plans fournis par Moscou, où le pouvoir inspire et parfois finance les partis d’extrême droite comme de gauche radicale, antagonistes mais unanimes pour saper la démocratie libérale.

Ile de Lesbos (Grèce), 11 octobre 2015 (C) Antonio Masiello

Ils savent ce qui leur fait peur, les tenants de la forteresse WENA. Ils le désignent par deux mots – le grand remplacement, celui d’une population européenne blanche et chrétienne qui n’existe que dans leur imaginaire par des hordes d’Arabes et d’Africains musulmans. Leur imaginaire où trône Le Camp des Saints, roman publié en 1973 par Jean Raspail et qui, en écho à l’antisémitisme délirant des Turner Diaries adulés par les suprémacistes blancs des Etats-Unis, décrit la chute de l’Occident blanc devant une invasion venue des pays du Sud. Loin d’avoir été oublié avec le temps, Le Camp des Saints inspire encore aujourd’hui l’extrême droite française ainsi que des proches de Donald Trump.

Personne au sud ne prône un «grand remplacement», concept qui n’existe donc qu’en WENA. Et pour cause, il ne pouvait venir d’ailleurs. S’il est une région au monde dont les pays ont, dans le passé, débarqué de force sur des rivages lointains, usé de la force pour imposer leur présence puis, in fine, leurs institutions, leur religion et leur culture, ce sont bien ceux de la WENA à travers le colonialisme, imités plus tard, tragique ironie, par l’URSS «anticolonialiste» sous couvert de soutien idéologique et pour les pires effets, dont deux en Afghanistan ayant pour noms les Talibans et Al-Qaïda.

Il n’y a qu’eux qui y pensent, eux pour qui la relation avec l’autre n’est que haine ou mépris, et pour certains, violence et guerre où l’on ne peut être que vainqueur ou vaincu. Dans leur immense majorité, celles et ceux qui, au sud, veulent gagner la WENA y recherchent tout au contraire son mode de vie, ses opportunités de travail et de construction d’une vie nouvelle, ses libertés que leur refusent les gouvernements de leurs pays d’origine, se servant la plupart du temps de la culture traditionnelle locale comme d’un alibi et nourrissant ainsi les fantasmes des xénophobes en WENA, trop contents de prendre en tenaille des migrants et réfugiés déjà pourchassés par leurs propres gouvernants.

Nigel Farage, chef du parti UKIP, agitant le spectre de la migration pour amener les Britanniques à voter pour le Brexit en 2016 (C) @epkaufm (Twitter), licensed under Public Domain

La WENA a peur. Elle a peur de tous ces gens qui voient en elle un exemple pour leurs propres dirigeants, peur de toutes ces victimes qui l’appellent à agir pour leur permettre de vivre en paix chez eux ou, si elle s’y refuse, à les admettre au moins sur son territoire. Elle a peur aussi de ses propres enfants, ceux dont les parents sont eux-mêmes venus d’ailleurs ou dont les ancêtres plus lointains y ont été amenés de force, notamment comme esclaves. Elle a peur des Black Lives Matter et autres mouvements exigeant la justice pour qui, né ou élevé dans la WENA, s’y voit rejeté car porteur de cet ailleurs qui la tétanise.

Ses dirigeants ont peur, et ceux qui voudraient l’être aussi. Délogé de la présidence américaine, Donald Trump ne désarme pas. En France, terre de l’adoption de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme en 1948, l’extrême droite se dédouble en deux partis rivalisant de peur et de haine d’autrui, tandis que le parti héritier de celui du Général de Gaulle parle arrêt de l’immigration et sortie de la Cour européenne des Droits de l’Homme, même la gauche se laissant tenter par la facilité xénophobe en s’en prenant par exemple aux transferts d’argent de travailleurs migrants vers leurs familles au pays.

Mise à mal par l’exemple russe de la démocratie illibérale de pure façade et celui de l’autoritarisme de marché donné par la Chine, la WENA n’est plus, elle le sait, maîtresse du monde. Devenir la forteresse WENA ne résoudra pourtant, pour elle, aucun problème. Fantasmer n’est pas empêcher les difficultés, encore moins les surmonter mais bien les rendre hors de contrôle. A travers le monde entier, migration et recherche d’asile génèrent des drames sans lien avec les peurs irraisonnées des opinions occidentales. La WENA peut bien rêver d’isolement, mais tout comme ceux que crée la Covid-19, les drames de la migration ont aboli les frontières et uni le monde – pour le pire.

Le monde uni en fait refuse de l’être en droit

Déjà tourmentée par ses cauchemars de « grand remplacement » et les capitulations de ses démocrates supposés devant les vrais populistes, la WENA tente l’impossible en s’obstinant à séparer strictement les migrants, en quête d’une vie meilleure, et les réfugiés, qui fuient une persécution potentiellement mortelle. Il est pourtant de moins en moins possible de chercher une vie meilleure sans fuir aussi une certaine forme d’oppression, même en filigrane, là où un réfugié peut certes avoir dû laisser derrière lui une vie confortable mais à laquelle a mis fin une soudaine et brutale menace. Et le mouvement des demandeurs d’asile s’exerce toujours bien davantage vers la WENA qu’à partir d’elle …   Mais qui érige la peur en système s’en soucie bien peu. Tant pis pour les tragédies qui en sortent et tant pis pour le mauvais exemple ainsi envoyé au reste du monde, qui ne le reçoit que trop clairement.

Toute cette année, l’AWC n’a pu que le constater en intervenant sur des situations où les frontières des Etats ne s’ouvrent que pour laisser entrer l’oppression venue d’ailleurs. Entre la Pologne, Etat membre de l’Union européenne (UE), et le Belarus sous la tyrannie d’Aleksandr Loukachenko, des migrants et réfugiés venus du Moyen-Orient sont bloqués hors du monde, utilisés par Minsk tels des pions contre l’UE et refoulés par Varsovie qui craint un afflux si elle laisse entrer un petit groupe de personnes. A l’intérieur de l’UE même, le Danemark où l’extrême droite inquiète un gouvernement social-démocrate restreint encore ses lois sur l’asile et ordonne aux réfugiés de Syrie de rentrer chez eux, comme si la fin des combats actifs dans certaines régions du pays rendait plus sûr, et meilleur, le régime tyrannique de Bachar el-Assad. Et c’est à toute l’UE que se pose, comme au monde entier, la question de l’accueil des réfugiés d’Afghanistan depuis le retour au pouvoir le 15 août dernier de la milice islamiste des Talibans, dont la première cible est depuis un quart de siècle toujours la même – les femmes, premières à devoir fuir et premières à chercher asile.

Manifestation de soutien aux réfugiés à Berlin le 31 août 2014 (C) Montecruz Foto

Cherchant toujours plus à fermer ses frontières à qui veut y entrer, la WENA n’a en revanche aucun état d’âme à les ouvrir grand pour en faire sortir l’inspiration du refus de l’autre. Et ça marche.

En Amérique latine où se produit la deuxième plus grave crise de demandeurs d’asile au monde, celle du Venezuela où quiconque le peut fuit la dictature de Nicolas Maduro soutenue par Moscou, le Pérou qui accueille le plus grand nombre d’exilés vénézuéliens refuse aux enfants son statut de «Migration Humanitaire», plongeant donc des mineurs déjà déracinés dans une invivable inexistence officielle. En Égypte, où déjà sévit une répression intense, des réfugiés de conflits africains comme celui de l’Érythrée se voient, en dépit de l’évidence même, déboutés de leurs demandes d’asile et placés dans l’expectative d’un rapatriement forcé à tout moment. En Russie, une réfugiée d’Ouzbékistan privée d’un jour à l’autre de son statut après avoir dénoncé les manquements de Moscou à ses obligations en la matière a fini sa course en détention dans un aéroport, «hors du monde», comme emmurée «dans la prison des frontières», selon la Complainte du Partisan, l’autre chant de la Résistance française pendant la Seconde Guerre Mondiale.

Qu’attendre d’autre d’un monde qui s’entête à ne pas comprendre que, bien que composé d’États souverains, il est désormais uni dans l’épreuve et doit donc le devenir aussi pour la vaincre ? Un monde uni de fait qui refuse de l’être de droit, ce n’est pas nouveau dans l’histoire et on en sait les conséquences. En 1914, c’est un monde où l’Europe faisait la loi mais où une forme de mondialisation, économique et technologique, existait déjà qui est entré en guerre, car sa politique était restée peu ou prou celle du Congrès de Vienne, là où les nations ayant vaincu l’Empire français de Napoléon Ier avaient décidé entre elles du sort des autres. Pour certains la Grande Guerre, pour d’autres «la der des der», le conflit mondial sorti d’un ordre international périmé allait certes engendrer la première organisation politique internationale de l’histoire, la Société des Nations, mais cette dernière allait s’avérer elle aussi en retard sur son temps, incapable d’arrêter les ambitions italiennes en Éthiopie puis celles plus dévastatrices et meurtrières encore d’Adolf Hitler et du Troisième Reich allemand. Ce n’est qu’en combattant le fléau d’un temps en son temps, en créant contre Hitler une alliance militaire prenant le nom de Nations Unies, que le monde libre allait réussir à vaincre le Reich génocidaire et créer une nouvelle organisation, celle que nous connaissons encore aujourd’hui – l’Organisation des Nations Unies.

Voir le passé avec l’œil du présent, l’historien le dira, il faut se l’interdire. Mais l’inverse n’est pas plus souhaitable, et de 1914, l’historien pourra le dire encore. Que conclure alors d’un monde qui, en proie à une pandémie qui a déchiré les frontières, s’y enferme comme en des murailles et se le voit enseigner par la région même qui, depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, symbolisait la liberté ?

(C) U.S. National Archives & DVDs

Qu’on le veuille ou non

Un monde sans frontières est aussi peu probable qu’un «grand remplacement» en WENA, peu probable et, pour nous, une fausse bonne idée. L’AWC défend depuis le départ une Citoyenneté Mondiale accessible à toutes et tous, acceptable par toutes et tous, fondée sur un principe simple mais qui semble si difficile à accepter : étant toutes et tous natifs et habitants de la planète Terre, il est du devoir de chacun(e) de la protéger ainsi que son peuple, notre peuple, l’humanité, et accepter cet état d’esprit est entrer dans une Citoyenneté Mondiale qui s’exerce en supplément de la citoyenneté nationale, non à la place, d’autant qu’il n’existe au niveau planétaire aucune structure reconnue par les États qui permette une telle substitution. Même la citoyenneté de l’UE n’est acquise que par la citoyenneté nationale de l’un de ses États membres, se vouloir citoyen(ne) de l’Union de manière directe et exclusive étant impossible.

Pour autant, et l’histoire ne va pas dans une direction autre, qu’est-ce qui oblige les frontières à s’ériger en remparts, a fortiori contre un ennemi inexistant et chimérique ? Au nom de quoi les États souverains devraient-ils être des citadelles ? Et surtout, comment exercer dans de telles conditions la moindre Citoyenneté Mondiale alors que le sort de toute la planète et toute l’humanité nous le commande ? C’est ce que l’AWC a toujours défendu et, aujourd’hui, ce que l’on pouvait refuser comme n’étant qu’un simple axiome de notre part est devenu, plus que jamais, un fait prouvé. Même si un autre enseignement de la Covid-19 est, hélas, que les faits prouvés peuvent n’être plus probants.

Négateurs du virus, promoteurs de thérapies inefficaces, d’aucuns auront rejeté l’évidence nue face au SARS-CoV-2. Chefs d’État ou de gouvernement, qu’ils se nomment Trump, Johnson ou Bolsonaro, ils auront tous fini par rencontrer ce virus qu’ils niaient ou minimisaient, finissant ainsi par prouver au contraire son existence et le besoin absolu de s’en protéger. D’autres poursuivent aujourd’hui le travail de sape de ces derniers, parfois en y laissant leur vie. Les faits prouvés peuvent n’être plus probants, mais Lénine le savait, «les faits sont têtus».

Ces politiques migratoires et ces injustices qui nous ont amenés à intervenir, nous ne les avons pas inventées. L’AWC n’a pas le temps, encore moins le goût, de fabriquer des problèmes, trop occupée qu’elle est à tenter de résoudre ceux dont elle vient à avoir connaissance. Une vision des frontières, de l’étranger et de la migration qui n’est plus adaptée à son temps, c’est un problème, majeur, que nous ne résoudrons jamais seuls et qui demande une implication littéralement universelle. D’autant qu’il n’est pas sans rencontrer l’autre problème majeur du moment, le coronavirus. Si ce n’est par la coupable méfiance vis-à-vis de traitements venus de l’extérieur et/ou par la tout aussi coupable négligence alimentant l’inégalité vaccinale entre nations, plusieurs fois dénoncée de concert par l’Organisation mondiale de la Santé et le Fonds monétaire international, comment expliquer l’apparition des variants Delta puis Omicron respectivement en Inde puis en Afrique du Sud ? On empêchera des êtres humains de quitter leur pays, on les empêchera d’entrer dans celui qu’ils espèrent atteindre, mais des gardes-frontières n’arrêtent pas un virus. Les frontières non plus, et voir en elles une solution soit à la migration tant redoutée soit à la Covid-19, c’est rendre impossible tant une migration ordonnée et humaine que la fin de la pandémie.

Un seul monde, ce n’est plus un slogan, c’est maintenant un fait. Que la WENA vous nomme un migrant si vous y venez ou si vous allez et venez en dehors d’elle (le terme «réfugié» n’ayant plus rien d’automatique, même devant un danger avéré), ou un expatrié si vous en venez et la quittez, vous serez toujours soumis aux lois nationales sur la migration et c’est là, partout, un domaine régalien, privilège absolu de l’État. Mais si ces lois sont adoptées et/ou appliquées les yeux grands fermés à la marche du monde, votre sort ne regardera bientôt plus seulement votre État de provenance et/ou d’arrivée. Pas plus que votre nationalité ne fera quelque différence si vous êtes positif à la Covid-19, où que vous soyez. Les deux questions seront mondiales.

Le droit absolu à la migration, sans demander l’avis de l’État d’arrivée, n’existera probablement jamais. Pour autant, le droit à la migration, celui d’être accueilli dignement, d’être ainsi traité même si l’on doit ensuite repartir et, certes, de n’être en aucun cas traité en migrant lorsque l’on est demandeur d’asile, peut et doit être un droit absolu, pour d’élémentaires raisons d’humanité dont même une catastrophe planétaire claire et présente n’autorise pas l’oubli.

Qu’on le veuille ou non, il n’existe plus qu’un seul monde. S’il prend au sérieux les malades de la Covid-19, alors il n’a pas d’excuse pour ne pas prendre au sérieux les migrants. Au moment où la deuxième année de la pandémie s’achève, s’il est déjà temps de prendre une bonne résolution, alors, que ce soit celle d’y parvenir enfin. Et immuniser les consciences contre nos coupables indifférences.

Bernard J. Henry est Officier des Relations Extérieures de l’Association of World Citizens.

En Colombie, la guerre contre la coca décime la terre et les espoirs de paix

In Being a World Citizen, Conflict Resolution, Current Events, Environmental protection, Human Rights, Latin America, NGOs, Social Rights, Solidarity, The Search for Peace, Track II, United Nations, World Law on May 16, 2021 at 8:23 PM

Par Bernard J. Henry

La Colombie vivra-t-elle un jour en paix ? Les événements actuels, la révolte sociale contre un projet de taxation du Président Ivan Duque qui l’a depuis abandonné, n’incitent qu’au pessimisme, dans un pays déjà longuement marqué par le conflit entre le Gouvernement et la rébellion des Forces Armées Révolutionnaires de Colombie – Armée du Peuple (Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia – Ejército del Pueblo ; FARC-EP) ainsi que par le narcoterrorisme des grands cartels de la drogue comme ceux de Cali et de Medellín. Aucune comparaison possible entre les trois, certes – mais seul le résultat compte.

Comme si déjà les affrontements entre êtres humains n’éprouvaient pas assez le pays, le Président Ivan Duque ouvre aujourd’hui un nouveau front, contre le dernier ennemi que devrait se donner quelque Etat que ce soit. Car la nouvelle ennemie de Bogota, c’est sa terre. Sa terre nourricière.

Coca veut-il toujours dire cocaïne ?

La déclaration de guerre, c’est le Décret 380, signé le 12 avril dernier par Ivan Duque et autorisant la reprise de la pulvérisation aérienne de glyphosate, herbicide produit au départ par la seule firme Monsanto sous la marque Roundup et dont le brevet appartient depuis 2000 au domaine public, pour l’éradication des cultures illicites. Sans surprise, c’est d’abord la coca qui est visée, et à travers elle, la culture de cocaïne. C’est oublier que cette plante, cultivée depuis plusieurs millénaires dans les Andes, représente bien davantage dans la culture locale.

Le mate de coca (C) Getty Images-iStockphoto

Jadis élément rituel des croyances incas de la Colombie jusqu’au Chili, toujours présentes dans les rites chamaniques, les feuilles de coca sont aujourd’hui consommées en infusion, le mate de coca. Elles sont riches en minéraux essentiels, en vitamines, en protéines et en fibres. Les âges leur ont aussi découvert des vertus médicinales contre le vertige, en anesthésiant, en analgésique ou en coagulant, leur taux élevé de calcium les ayant rendues tout aussi efficaces contre les fractures osseuses, parmi les nombreuses vertus que même la médecine moderne leur reconnaît.

C’est ainsi que la coca représentait, en 2012, 0,2% du Produit Intérieur Brut colombien. Mais de nos jours, pour Bogota, coca ne veut plus dire que cocaïne. Or, ce nom ne désigne pas forcément ce que l’on croit.

Sitôt le mot prononcé, «cocaïne» évoque une drogue dure. Or, ce n’est pas le sens premier du terme. La cocaïne est un alcaloïde, une substance parfaitement naturelle contenue dans les feuilles de coca. Elle est naturellement ingérée lorsque l’on consomme le mate ou, c’est son usage le plus courant, lorsque l’on en mâche les feuilles, comme le font les Andins depuis des milliers d’années. La coca agit ainsi comme un remède à la faim, la soif, la douleur ou la fatigue. Sous cette forme, elle ne crée aucune addiction.

Transformée en un produit stupéfiant, le chlorhydrate de cocaïne, puis «sniffée» en «rails», la cocaïne devient un psychotrope et crée une addiction particulièrement dangereuse sur le plan psychique. C’est là qu’elle devient une «culture illicite» car alimentant les économies des cartels mais aussi ceux de groupes paramilitaires, dont jadis les FARC-EP.

Le glyphosate de Monsanto, vendu sous la marque Roundup

Mais si la coca détient le problème, elle renferme aussi la solution. Pour les cocaïnomanes, la consommation des feuilles telles quelles, bénéfique et non addictive, offre un moyen de se désaccoutumer et guérir.

Bien que ne pouvant l’ignorer, pas plus qu’ignorer que de nombreuses communautés paysannes dépendent de la culture de la coca comme seul moyen d’existence, Bogota a décidé de l’éradiquer par la force, envoyant l’armée détruire cent trente mille hectares au risque même d’affamer sa population campesina et rallumer les feux mal éteints de la guerre civile.

Pour qui aurait cru que l’urgence sanitaire liée à la COVID-19, confinement compris comme dans tant d’autres pays du monde, aurait arrêté ou du moins suspendu les ambitions guerrières gouvernementales, comme la société civile colombienne qui demandait une suspension, peine perdue. Au moins sept départements colombiens ont vu l’armée mener pendant ce temps-là sa guerre à mort contre la coca. Une guerre d’autant plus inquiétante que le front en est proche, par trop proche, de celui de l’ancienne guerre contre les FARC-EP.

FARC-EP : Un accord de paix en danger

Dans les années 1980, dernière décennie de la Guerre Froide, donc du système international de Droits Humains antérieur à la Conférence de Vienne en 1993, plusieurs groupes d’opposition armés avaient été identifiés à travers le monde comme violateurs des Droits Humains au même titre que les gouvernements, parfois le gouvernement même qu’ils entendaient combattre. Parmi eux, les Khmers Rouges au Cambodge, le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) en Turquie, le Sentier Lumineux (Sendero Luminoso) au Pérou et, en Colombie, les FARC-EP.

L’emblème des FARC-EP

Pur produit de la Guerre Froide, apparues en 1964, les FARC-EP présentaient une idéologie marxiste-léniniste, prônant un système agrarien et anti-impérialiste en Colombie. Composées de plusieurs dizaines de milliers d’hommes et de femmes, les FARC-EP usaient de techniques militaires variées mais aussi du terrorisme, à l’image de l’ETA au Pays basque espagnol qui les soutenait ouvertement. Leur économie de guerre se fondait sur l’extraction minière illégale, le racket économique, l’enlèvement contre rançon – ainsi de la Sénatrice Ingrid Betancourt en 2002, qui demeura leur otage jusqu’en 2008 – et le trafic de stupéfiants.

En mars 2008, le décès du leader des FARC-EP Manuel Marulanda Vélez marqua un tournant dans l’histoire du groupe armé. Les désertions se multiplièrent et, bien que poursuivant leurs attaques terroristes contre la police, l’armée et le secteur de l’énergie, des FARC-EP jadis redoutables apparurent désormais craintives et fatiguées.

Un processus de paix fut lancé qui aboutit, en juin 2016, à la signature d’un cessez-le-feu entre le Président Juan Manuel Santos et les FARC-EP à La Havane. En août, Santos annonça un accord de paix formel, qu’il soumit à référendum en octobre mais qui fut rejeté de peu par l’électorat. Le mois suivant, un accord révisé fut signé puis finalement ratifié. Un an après le cessez-le-feu, en juin 2017, les FARC-EP prononcèrent leur dissolution en tant que groupe armé, remettant leur armement aux équipes des Nations Unies sur place et devenant, comme le prévoyait l’accord de paix, un parti politique.

Quelques milliers d’irréductibles poursuivirent la lutte armée et le trafic de drogue. En août 2019, plusieurs leaders des anciennes FARC-EP annoncèrent à leur tour y revenir, bientôt mis hors d’état de nuire par les troupes colombiennes. L’accord de paix perdura donc, dont les quatre premiers points montraient une volonté concrète de combattre à la fois le conflit et ses causes originelles – une réforme rurale exhaustive, la participation politique des membres des anciennes FARC-EP, une fin définitive des affrontements et, en Point 4, une «solution aux drogues illicites».

Un rapport parlementaire colombien rendu l’an dernier montrait que, si la culture du coca était en recul, non moins de quinze mille hectares ayant été perdus en un an, celle de cocaïne connaissait en revanche un regain de 15%. Peu surprenant dans la mesure où les solutions prévues par l’accord de paix, l’éradication manuelle et la mise en place de cultures de substitution, ont été largement ignorées par les autorités. Écarter ainsi les accords conclus et les solutions de bon sens qui les composent, c’était offrir un boulevard aux tenants du glyphosate, parmi lesquels le Ministre de la Défense Carlos Holmes Trujillo, qui ont donc fini par l’emporter.

Outre la santé, l’économie et l’écosystème des communautés campesinas, et malgré la victoire militaire sur la tentative de résurgence armée d’une partie des FARC-EP, le glyphosate met donc bel et bien en danger y compris l’accord de paix lui-même, au mépris de l’ancien groupe armé et de ses efforts vers la paix, mais aussi des décisions judiciaires et, rien de moins, des recommandations internationales.

La justice colombienne et l’ONU l’avaient dit

Une première fois pourtant, la Colombie avait mis fin à la pulvérisation aérienne. En 2015, l’impact avéré de cette pratique sur l’environnement et les Droits Humains, notamment le droit à la santé, avait amené Bogota à renoncer à en faire usage. Deux ans plus tard, c’était la Cour constitutionnelle (Corte Constitucional) qui se saisissait du sujet et se prononçait en son Arrêt T-236-17.

Pour la juridiction suprême, le glyphosate était indubitablement une substance toxique à même d’entraîner diverses maladies, dont le cancer. Elle ordonnait ainsi que la pulvérisation aérienne ne soit utilisée qu’en dernier ressort, après l’échec de toute substitution volontaire ou éradication manuelle. Et surtout, la Cour, sortant du pur plan agricole ou scientifique, investissait aussi le champ politique en appelant le Gouvernement à résoudre le problème en tenant compte du Point 4 des Accords de Paix avec les FARC-EP. Mais faute d’application crédible des programmes de substitution volontaire, bien que ceux-ci soient un pilier des accords de paix, il leur a été préféré l’éradication forcée.

L’ONU elle-même s’en est indignée et le 17 décembre dernier, dix de ses experts indépendants écrivaient à Ivan Duque en lui demandant de renoncer à la pulvérisation aérienne, porteuse « d’énormes risques » pour l’environnement mais aussi d’une possible atteinte aux engagements internationaux colombiens en matière de Droits Humains. Appel donc resté lettre morte.

La pulvérisation aérienne au glyphosate en action

Sans paix avec la terre, aucune paix pour l’avenir

Avec Carlos Holmes Trujillo, la «ligne dure», sans mauvais jeu de mots sur la cocaïne au demeurant, a gagné. Qu’importe si, à cause d’elle, des Colombiens vont se trouver démunis, et/ou malades, qu’importe si l’écosystème se trouve irrémédiablement endommagé, qu’importe si la terre devient stérile. Leur guerre totale contre d’anciens ennemis qu’ils veulent soumis plus que partenaires a dégénéré en guerre contre la terre colombienne elle-même, la Pachamama, «Terre-Mère» comme la désigne la cosmogonie andine depuis des temps anciens où, déjà, l’on mâchait la coca.

A l’instar d’autres organisations non-gouvernementales, l’Association of World Citizens (AWC) a pris attache avec le Gouvernement colombien en demandant que le Président Ivan Duque renonce à la pulvérisation aérienne de glyphosate, au profit des solutions préconisées par l’accord de paix avec les FARC-EP, éradication manuelle et substitution volontaire, telles que les demande aussi la Cour constitutionnelle.

«A moins d’étendre le cercle de sa compassion à tout ce qui vit, l’homme ne pourra lui-même trouver la paix», disait Albert Schweitzer, auteur du concept de Révérence envers la Vie et lui-même référence naturelle de l’AWC. Le drame colombien du glyphosate illustre on ne peut mieux cette pensée. Heureusement, il n’est pas trop tard.

Bernard J. Henry est Officier des Relations Extérieures de l’Association of World Citizens.

24 mars : La vérité est un Droit Humain

In Being a World Citizen, Democracy, Human Rights, Latin America, NGOs, Religious Freedom, Solidarity, Spirituality, Track II, United Nations on March 26, 2021 at 5:00 PM

Par Bernard J. Henry

Trente-cinq ans déjà, en janvier dernier, que le chanteur français Daniel Balavoine trouvait la mort tragiquement lors du Paris-Dakar où il était présent non comme coureur, mais, fidèle à ses convictions telles qu’il les exprimait dans ses chansons, pour une opération humanitaire qu’il avait mise en place et voulait voir aboutir – littéralement, il l’aura payé de sa vie.

Dans ses chansons, Balavoine évoquait souvent les Droits Humains, le sous-développement, les atteintes à l’environnement et, bien sûr, le racisme, comme dans son dernier succès de son vivant, L’Aziza. A sa manière, il était un Citoyen du Monde au sens où le conçoit l’Association of World Citizens (AWC). Dans son album de 1983 intitulé Loin des yeux de l’Occident, il chantait le sort des femmes dans le Tiers Monde, comme l’on appelait alors le monde en développement, les écrivains emprisonnés par les dictatures militaires d’Amérique latine et, dans cette même région du monde, les Mères de la Place de Mai en Argentine. Depuis 1977, deuxième année de la dictature militaire dans le pays, ces mères de «disparus forcés» manifestent face au siège du gouvernement en demandant la vérité sur le sort des leurs. La junte au pouvoir les avait surnommées les «folles de la Place de Mai» pour les discréditer ; elle n’a ainsi fait que rendre leur cause mondialement célèbre.

Dans Revolución, dernière piste de Loin des yeux de l’Occident qui a pour titre le dernier vers de cette même chanson, Balavoine chantait ainsi d’elles :

«Comme on porte une couronne,

Elles ont la peur sur leur visage ruisselant,

Espérant la maldonne,

Elles frappent leur poitrine en défilant,

Pieusement questionnent :

‘Est-ce que disparus veut dire vivants ?’

Faut-il qu’elles pardonnent

Pour croire que leurs morts ne sont qu’absents ?»

Et c’est bien là toute la question, au-delà même des atteintes aux Droits Humains – la question de la vérité sur les sévices commis, cette vérité que l’on refuse aux proches des victimes et qui, dans notre monde d’aujourd’hui, est pourtant considérée en elle-même comme un Droit Humain à part entière.

Monseigneur Romero : le plomb d’une balle pour le plomb du silence

Chaque année, dans le langage technique et bureaucratique, comme l’ONU et les autres organisations intergouvernementales bien intentionnées mais lourdes à manier en ont le secret, le 24 mars est la «Journée internationale pour le droit à la vérité en ce qui concerne les violations flagrantes des droits de l’homme et pour la dignité des victimes», même s’il suffit d’en retenir quatre mots, les plus «essentiels» comme le dit ce monde de pandémie – droit à la vérité.

Si Balavoine chantait les disparitions forcées, violation des Droits Humains qui invisibilise par excellence le martyre infligé aux victimes et permet comme nulle autre le mensonge, y compris en sa forme la plus cruelle et cynique qu’est le silence, le droit à la vérité concerne tout type d’atteinte aux Droits Humains, qu’elle soit perpétrée derrière les épais murs d’un bâtiment gouvernemental ou sous les yeux de qui voit soudain un proche connaître le pire. Et bien sûr, de la même manière que Chamfort parlait au dix-huitième siècle d’une France où «on laisse en repos ceux qui mettent le feu, et on persécute ceux qui sonnent le tocsin», dans un pays qui attente au droit, quiconque le dénonce devient soi-même une victime de choix.

Monseigneur Óscar Romero

C’est en mémoire de l’une de ces victimes, qui avait osé élever la voix sur les atrocités dont il avait été témoin, que la Journée internationale a été proclamée. Il se nommait Óscar Arnulfo Romero y Galdámez, il était Archevêque catholique romain de San Salvador, capitale du Salvador où la guerre civile opposait depuis peu le gouvernement conservateur et une guérilla marxiste. Lui aussi conservateur au départ, Monseigneur Romero reçoit un choc avec l’assassinat en 1977 d’un prêtre jésuite de son diocèse par un escadron de la mort pro-gouvernemental. Il devient alors un ardent défenseur des Droits Humains, notamment de ceux des paysans. Devenu un farouche dénonciateur des exactions de l’armée et des paramilitaires, il est abattu d’un coup de fusil en pleine poitrine le 24 mars 1980 alors qu’il dit sa messe dans un hôpital.

Le Salvador, autre pays dont avait parlé Balavoine dans Dieu que l’amour est triste, où il le rebaptisait le «San Salvador». Et autre exemple de la guerre aux Droits Humains que menaient à travers l’Amérique latine, du Guatemala jusqu’à la Terre de Feu, des dictatures civiles ou militaires auxquelles tout était bon pour réprimer la moindre opposition, cette guerre qui, en 1982, allait avoir pour victime collatérale à des milliers de kilomètres par-delà l’Atlantique, au Palais des Nations de Genève, Theo van Boven, chassé de la direction du Centre des Nations Unies pour les Droits de l’Homme pour avoir lui aussi élevé la voix trop fort, même si lui, au moins, y survécut et en témoigne encore à ce jour.

Le mensonge, première atteinte aux Droits Humains

Bien entendu, le temps a passé. Trente-cinq ans depuis le décès tragique de Daniel Balavoine. Plus de quarante ans depuis l’assassinat de Monseigneur Romero et bientôt tout autant depuis l’éviction de Theo van Boven. Mais le temps et l’évolution des atteintes aux Droits Humains n’ont fait, surtout depuis la Conférence de Vienne en 1993, que renforcer la victime, réelle ou potentielle, dans sa position centrale dès qu’il est question de défendre les Droits Humains ou, comme ici donc, de diffuser l’information sur les violations.

Theo van Boven

Ce qui est vrai pour les «folles de la Place de Mai», comme les appelaient avec mépris les «hommes des casernes» de Buenos Aires, est vrai pour toute autre situation où des droits sont violés et le secret est invoqué pour en cacher l’existence, ou la réalité au profit d’une version plus commode. Il n’est pas un type de violation des Droits Humains où le droit à la vérité ne s’avère crucial, même ce qui paraît évident pouvant receler une réalité plus occulte.

Qui a tué Lokman Slim au Liban ? Qui donne l’ordre de harceler Nidžara Ahmetašević, militante bosnienne de l’aide aux migrants à la frontière entre Croatie et Bosnie-Herzégovine ? Pourquoi Mohamed Gasmi, Défenseur des Droits Humains en Algérie, est-il poursuivi au pénal par son gouvernement sous les accusations calomnieuses, désormais devenues typiques des régimes autoritaires et des démocraties illibérales à travers le monde, d’avoir «eu des contacts avec des agents étrangers ennemis du pays» et «d’avoir comploté pour commettre des actes terroristes en sol national» ? Autant de questions auxquelles l’AWC s’est employée depuis le début de cette année à recueillir des réponses, autant que possible. Parce que le mensonge, à commencer par le silence qui en est la forme la plus venimeuse, est la première et la pire des atteintes aux Droits Humains.

Le droit à la vérité sur les atteintes aux Droits Humains n’est donc pas un pur vœu moral, pas plus qu’il ne doit demeurer un vœu pieux. Il est un véritable droit, dont la revendication n’est pas morale ou spirituelle mais bel et bien juridique, et au sens large du terme, politique. A défendre toujours, contre le mensonge et le silence des violateurs et contre les fausses vérités des tenants du complotisme et du confusionnisme sur Internet et ailleurs de par le monde.

Bernard J. Henry est Officier des Relations Extérieures de l’Association of World Citizens.

For a World Citizen Approach to Protecting Human Rights Defenders

In Africa, Asia, Being a World Citizen, Democracy, Europe, Human Rights, International Justice, Latin America, Middle East & North Africa, NGOs, Refugees, Solidarity, The Search for Peace, United Nations, World Law on January 19, 2021 at 6:28 PM

By Bernard J. Henry

What are, if any, the lessons to be learned from the COVID-19 crisis? As far as we, World Citizens, are concerned, the most important one is undoubtedly this: As we have been saying since the early days of our movement, global problems require global solutions.

Beyond the appearance of a mere self-serving statement, this traditional World Citizen slogan finds a new meaning today. Never has it been so visible and proven that national sovereignty can be not only a hurdle to solving global problems, but a full-scale peril to the whole world when abused. While many European nations were quick to react to the virus as a major health crisis right from early 2020, others led by nationalists, namely the USA, the UK and Brazil, adamantly refused to take any action, dismissing the virus as harmless if not non-existent. Just like an individual who is not aware of being sick can pass the disease on others while behaving without precaution, a country that does not act wisely can contribute dramatically to spreading the disease throughout the world. And that is what happened.

No use beating about the bush – that kind of behavior is a violation of human rights, starting with the right to life and the right to health. Even though COVID-19 is first and foremost a medical issue, it also has implications in terms of human rights. There comes a question which has been with us since the beginning of the century: In the absence of a global institution, such as a global police service, in charge of overseeing respect for human rights worldwide, what about the people devoting their lives to performing this duty of public service, these private citizens whom we call Human Rights Defenders (HRDs)? Before COVID-19 ever appeared, many of them were already in danger. While vaccines and medicines are being developed to counter COVID-19, there does not seem to be a cure in sight for the perils HRDs face every day.

Legal, legitimate, but unrecognized

HRDs, people defending human rights, have existed from the early days of human civilization in one form or another. Since 1948 and the adoption of the Universal Declaration of Human Rights (UDHR), followed by a number of treaties and similar declarations, it has obviously been viewed as more legitimate and legal to promote and protect rights which were now internationally recognized. The UDHR itself has made history by evolving from a non-binding resolution of the United Nations (UN) General Assembly to an instrument of customary international law, toward which states feel obligated through, as international law puts it, opinio juris. But in a postwar Westphalian world where only states had international legal personality, the people defending the rights enshrined in the UDHR, in other words HRDs, long remained deprived of formal recognition.

It all changed in 1998, when the UN General Assembly celebrated the half-century of existence of the UDHR by presenting it with a companion text, officially called Resolution 53/144 of December 9, 1998 but better known as the Declaration on the Right and Responsibility of Individuals, Groups and Organs of Society to Promote and Protect Universally Recognized Human Rights and Fundamental Freedoms – in short, the Declaration on Human Rights Defenders (DHRD).

Like the UDHR, the DHRD was born “soft law”. But the resemblance stops there. In twenty-two years of existence, the DHRD has been nowhere near accepted by states under opinio juris. Accepting international human rights is one thing, but endorsing the creation, if only morally speaking, of an international category of people authorized to go against the state to promote the same rights, well, that continues to be more than the nation-state can live with. Everywhere in the world, HRDs feel the pain of that denial of recognition.

Human rights under attack means defenders in danger

Traditionally, human rights in the Western sense of the word mean freedom of opinion and expression. These rights continue to be curtailed in too many countries, beyond geographical, cultural, religious, or even political differences. Inevitably, that goes for HRDs defending these rights too. The two “least democratic” countries sitting as Permanent Members on the UN Security Council, Russia and China, also stand out as world leaders in political repression.

During the Cold War, the Eastern bloc would put forward economic and social rights as a counterpoint to the said Western notion. Even though human rights were “reunified” over thirty years ago, economic and social rights remain taboo in various parts of the world. In Thailand and Nicaragua, health workers have been punished for demanding better equipment to treat COVID-19 patients. In the Philippines, city residents who pushed for more adequate shelter in times of lockdown were similarly repressed by their government.

Cultural rights, often alongside indigenous rights, can truly be described as disturbing all forms of governments in countries which used to be colonies of Western powers, from Latin America, most recently in Honduras and Paraguay, to Asia with such examples as Malaysia and Indonesia. In such countries, being an HRD trying to advance the rights of indigenous groups all but equates trying to tear the whole nation apart.

Everywhere in the world, such typical 21st-century pressing issues as LGBT rights and, more than ever since the #MeToo scandal, women’s rights may be popular causes, but taking them up almost systematically means trouble, be it in North African countries like Egypt and Tunisia or in the European nations of Poland and Andorra.

Last but not least, even though one might think the wide consensus on the issue opens doors for action, defending environmental rights is proving no easy task. From Madagascar to Belarus, trying to get your government to live up to its responsibilities is bound to create a most unsafe environment for you.

For those who need and manage to flee, being abroad does not even mean being safe anymore. China has been found to be heavily spying on activists from the Uyghur minority living in foreign countries, and last month the AWC had to send an appeal to the authorities of Canada regarding a Pakistani HRD from the Baloch minority group who was found dead in Toronto, after the local police service said the death was not a criminal act but a fellow Baloch HRD and refugee there expressed serious doubts.

When the DHRD should be providing greater relief and comfort for the performance of human rights work, HRDs continue to be denied any character of public service, leading to acute stigmatization, intimidation, and ultimately repression. As many signs that the nation-state is losing its nerves in trying to defend a Westphalian national sovereignty that COVID-19 has now largely proved is out of date.

Shattering national borders – and human rights, too

One form of human rights abuse that has become particularly salient since the late 2000s, further fueled by Brexit in 2016 and the now-ending Trump presidency since 2017, is the systematic persecution of refugees and migrants – and, more preoccupying still, of those nationals in the countries of arrival trying to lend a hand to the newcomers. In France, President Emmanuel Macron was thought to have been spared from the influence of populist parties backed by Vladimir Putin’s Russia; yet several activists have been prosecuted on these sole grounds, such as Martine Landry of Amnesty International France and Cédric Herrou, both from the Nice area near the Italian border. Eventually, both were cleared by the judiciary. In the USA, migrants’ rights activist Scott Warren was similarly prosecuted – and similarly acquitted. But in both countries and others still, the problem remains unsolved.

No wonder this is happening at all. Even those governments least favorable to the brand of xenophobia “exported” by Moscow since the last decade have become unfathomably sensitive to the issue of migration and asylum, as they too feel threatened by the outside world and flaunt their borders as ramparts, shielding them from some barbaric conduct with which they confuse different customs and religions, thus adopting the very same attitude as those populists they claim to be fighting. That leaves citizens trying to help refugees and migrants singled out as traitors and criminals.

The mass arrival of migrants and refugees from Africa and the Middle East in the summer of 2015 proved that Europe and, for this purpose, the rest of the world were wrong to assume that crises in other, distant parts of the world could never hit home too violently. In this case, the crisis bore a name – ISIS, the “Islamic State in Iraq and the Sham (the Levant)”. The Iraqi-born terrorist group had conquered a wide swath of land the previous year, seizing territory from both Iraq and Syria along the border, and established on it a “caliphate” that drew scores of individuals from many parts of the world, especially Europe and North Africa. The previous summer had seen its militias persecute the millennia-old Christian minority of Iraq and other religious groups such as the Yezidis. A year before the UN dared called it genocide, the AWC did.

When the Taliban’s “Islamic Emirate” of the late 1990s in Afghanistan had been recognized by three countries, no one recognized the “Islamic State”, let alone the caliphate. Obviously, recognizing the “caliphate” would have been both a violation of international law and an insult to all of ISIS’s victims back home and abroad. Nonetheless, as the French-American scholar Scott Atran and the specialist Website e-ir.info noted, the “ISIS crisis” proved that the traditional notion of the nation-state was now being violently rejected – violently, and ISIS leaders knew full well how to make good use of it, cleverly rendering their barbaric ways appealing to Westerners and North Africans frustrated at the lack of social and political change back in their home countries.

Questioning the nation-state in such an insane, murderous manner can only be diametrically opposed to the mindset of a World Citizen. Stopping borders from serving as ramparts against foreigners irrationally viewed as enemies, bringing the people of the world together regardless of political nationality, none of this can ever be compatible with the creation of yet another nation-state, albeit de facto, to terrorist ends at home and abroad. Even though the massive afflux of migrants and refugees was certainly no phenomenon the best-prepared state in the world could have successfully dealt with overnight, European nations failed at it miserably. In suspecting and rejecting foreigners for fear of terrorism, they only made it easier to commit terrorist attacks on their soil and endanger their own population, including the Muslim population which automatically becomes a scapegoat every time a jihadi terrorist attack is carried out. Nobody’s human rights were well-served and everybody’s human rights ended up as losers.

Globalizing solidarity with HRDs

There you have it. The harder states, European and others, strive to defend their borders as sacred, God-given privileges, the harder human rights and their defenders get hit and everybody loses.

Consequently, returning to the comparison with COVID-19, a true World Citizen perspective toward protecting HRDs must put forward what has been absent throughout the pandemic, in terms of both public health and patient care – globalization. Not the unfair, inhumane economic globalization we have known since the 1990s, for that one too is responsible for what has happened over the past twelve months. A World Citizen can only seek a globalization of solidarity, bearing in mind that, as French President Emmanuel Macron once put it, “the virus does not have a passport” and travels freely through all human beings who accept, or get forced, to become its living vehicles.

The very same principle should apply to human rights and their defenders. The UDHR is by name universal, as are all human rights. Therefore, why wouldn’t the defense of the same rights be universal by nature? If terrorism can be let to shun national borders in its war on the whole world, then why can’t brave, devoted HRDs enjoy the recognition they deserve, in every country, on every continent, and from every type of government? Why in the world would a terrorist get greater attention than a citizen dedicating their life to championing the dignity of all fellow human beings? If this divided world of ours could possibly find some sort of unity in support of health workers fighting COVID-19, then why not around HRDs, too?

World leaders can no longer look away from the issue. Uniting around one global problem means endorsing the principle of global solutions for everything else. If there is to be a different future for the world, a better future, then trusting and respecting HRDs, supporting and helping them, and ultimately joining their ranks are as many keys that will unlock a brand new era of shared true dignity.

Bernard J. Henry is the External Relations Officer of the Association of World Citizens.

Enforced Disappearances: NGO Efforts to Continue

In Being a World Citizen, Current Events, Democracy, Human Rights, Humanitarian Law, International Justice, Latin America, Middle East & North Africa, NGOs, Solidarity, Syria, The Search for Peace, Track II, United Nations, War Crimes, World Law on August 30, 2020 at 10:14 AM

By René Wadlow

August 30 is the International Day of the Victims of Enforced Disappearances. The Day highlights the United Nations (UN) General Assembly Declaration on the Protection of All Persons from Enforced Disappearances, Resolution 47/133 of December 18, 1992.

In a good number of countries, there are State-sponsored “death squads” – persons affiliated to the police or to the intelligence agencies who kill “in the dark of the night” – unofficially. These deaths avoid a trial which might attract attention. A shot in the back of the head is faster. In many cases, the bodies of those killed are destroyed. Death is suspected but not proved. Many family members hope for a return. In addition to governments, nongovernmental armed groups and criminal gangs have the same practices.

Also to be considered among the “disappeared” are the secret imprisonment of persons at places unknown to their relatives or to legal representatives. The Office of the UN High Commissioner for Human Rights has a Working Group on Enforced or Involuntary Disappearances, created in 1980, which has registered some 46,000 cases of people who disappeared under unknown circumstances.

Disappearances was one of the first issues to be raised, largely by nongovernmental organizations (NGOs) when the UN Secretariat’s Center for Human Rights with a new director, Theo van Boven, moved from New York to Geneva in 1977. After seizing power in 1976, Argentina’s military rulers set out to kill opposition figures and at the same time to weaken the UN’s human rights machinery in case the UN objected. The Argentinean ambassadors to the UN used delaying tactics in order to give the military time to kill as many suspected “subversives” as possible.

In 1980, a group of Argentinian mothers of the disappeared came to Geneva and some entered the public gallery and silently put on their symbolic white head scarves. (1)

Theo van Boven, March 22, 1983 – (C) Rob C. Croes / Anefo – Nationaal Archief, CC BY-SA 3.0 nl

Today, the issue of the disappeared and of the secretly imprisoned continues, sometimes on a large scale such as in Syria. The International Committee of the Red Cross (ICRC) is the only non-governmental organization with the recognized mandate to deal with specific prisoners, enabling a minimum level of contact and inspection of their treatment. However, the mandate functions only when the prisoners are known, not kept in “black holes” or killed.

The Association of World Citizens stresses that much more needs to be done in terms of prevention, protection, and search for disappeared persons. On August 30, we will reaffirm our dedication to this effort.

Note:
1) See Iain Guest, Behind the Disappearances: Argentina’s Dirty War Against Human Rights and the United Nations (Philadelphia; University of Pennsylvania Press, 1990) Iain Guest was the Geneva UN correspondent for The Guardian and the International Herald Tribune. He had access to Argentinian confidential documents once the military left power. He interviewed many diplomats and NGO representatives active in Geneva-based human rights work. This book is probably the most detailed look at how human rights efforts are carried out at the UN Geneva-based human rights bodies.

Prof. René Wadlow is President of the Association of World Citizens.

Au Nicaragua, l’Etat nie la COVID-19 et abandonne les soignants à leur sort

In Being a World Citizen, Current Events, Democracy, Human Rights, Latin America, NGOs, Nicaragua, Refugees, Social Rights, Solidarity, The Search for Peace, United Nations, World Law on June 2, 2020 at 8:03 PM

Par Bernard J. Henry

 

L’une des leçons majeures de la crise de la COVID-19 restera que, malgré ses errements dans les premiers temps de la pandémie, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) aura agi comme un révélateur de la mentalité des Etats envers cette menace planétaire sans précédent depuis la Seconde Guerre Mondiale. L’enseignement en est clair, autant qu’il est inquiétant : là où, partout dans le monde, le virus frappe sans faire de distinction, certains dirigeants nationaux le croient néanmoins perméable à leurs choix politiques.

Là où Emmanuel Macron, Président de la République française, déclarait à son peuple en instaurant le confinement «Nous sommes en guerre» et son Ministre des Solidarités et de la Santé Olivier Véran faisait sien le mot d’ordre de l’OMS, «Testez, testez, testez», le Premier Ministre britannique Boris Johnson risquait le pari de l’immunité collective, pari perdu qui faillit lui coûter sa propre vie.

Aux Etats-Unis, le Président Donald Trump refuse toute injonction internationale, étant allé jusqu’à interrompre le financement américain de l’OMS puis rompre toute relation avec elle. Au Brésil, le Président Jair Bolsonaro adopte une ligne semblable, rejetant gestes-barrière et distanciation physique. Dans les deux pays, ce sont les gouverneurs des Etats fédérés qui doivent agir, provoquant la colère de leurs chefs d’Etat respectifs qui mobilisent contre eux leurs partisans.

Et toujours sur le continent américain, un pays se distingue plus encore – le Nicaragua, où le pouvoir nie tout bonnement l’épidémie et invite, si ce n’est oblige, la population à enfreindre toutes les préconisations internationales.

Le Président du Nicaragua défend la COVID-19 comme un «signal de Dieu»

Daniel Ortega, l’ancien chef sandiniste du temps de la Guerre Froide, évincé du pouvoir aux urnes en 1990 puis qui y est revenu par la même voie en 2006 et s’y est fait réélire en 2011 avec, pour candidate à la Vice-présidence, nulle autre que son épouse Rosario Murillo, tenait déjà son pays d’une main de fer depuis le 18 avril 2018 et sa répression des protestations populaires contre un projet avorté de réforme des retraites et de la sécurité sociale défavorable aux plus précaires. Des professionnels de tous corps de métier, parmi lesquels un nombre important de soignants, avaient été licenciés. Des militants de l’opposition avaient été emprisonnés. Le Costa Rica voisin connaissait un afflux par dizaines de milliers de Nicaraguayens fuyant la dictature de fait surnommée «Orteguillo» en contraction des noms de Daniel Ortega et Rosario Murillo.

Dans de telles conditions, il n’aurait pas paru saugrenu de voir le pouvoir nicaraguayen prendre prétexte de la COVID-19 pour imposer des restrictions impitoyables, par exemple un confinement sur le modèle philippin avec menace de tirer à balles réelles sur les contrevenants. Contre toute attente, Managua a choisi l’extrême inverse, celui du déni total de la pandémie.

Capture d’écran France 2, 2018

Après avoir obligé la population à marcher en masse, dans la promiscuité, sous la bannière du Front Sandiniste de Libération Nationale (FSLN) au pouvoir pour célébrer «l’amour et la paix en temps de coronavirus», Ortega a disparu des écrans à partir du 12 mars, à tel point que d’aucuns le supposaient contaminé lui-même. Le 15 avril, il est réapparu sur les antennes de la télévision nicaraguayenne, qualifiant la COVID-19 de «signal de Dieu» et excluant toute mesure sanitaire nationale contre elle.

Le résultat en est dramatique. Au 23 mai, l’Observatoire citoyen du Nicaragua annonçait plus de 2 600 cas dans le pays, où s’enracine à présent la pratique des inhumations nocturnes des victimes de l’épidémie niée par le pouvoir. Le danger est devenu tel que les Etats voisins d’Amérique centrale, Guatemala, El Salvador et Costa Rica, craignent désormais de voir s’embraser toute la région par la faute de Managua.

Malgré tout, la population respecte les consignes internationales, la campagne «Quédate en casa», «Reste à la maison», lancée pour inciter au confinement, s’attirant les foudres d’un Ortega qui insiste pour ne rien faire. Quant au personnel médical, il est au mieux livré à lui-même et au pire réprimé.

Les soignants du Nicaragua livrés à eux-mêmes – et surtout au danger

Depuis avril 2018, au Nicaragua, les médecins sont des ennemis d’Etat. Ces médecins qui ont soigné les manifestants blessés dans la répression des mouvements populaires et qui l’ont payé en nombre de leur emploi. Face à la COVID-19, les derniers remparts d’une population poussée à l’infection par le régime sont devenus pour lui rien moins que des traîtres.

Fulgencio Baez, onco-hématologue hospitalier, confiait à l’association SOS Nicaragua France dans sa Newsletter de mai : «Nous savons que nous sommes dans la partie de la montée exponentielle de la contagion, avec la contagion communautaire. Il y a plusieurs morts, sans connaître le nombre exact. Ce que nous entendons quotidiennement et ce que nous voyons concernant les personnes décédées sont des foyers à Chinandega, Managua, Masaya et Matagalpa».

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Déjà faible auparavant, poursuivait le médecin, le système de santé nicaraguayen n’avait aucune chance contre la pandémie. Privés de tout appui gouvernemental, notamment de toute statistique puisque les quelques tests disponibles restent le monopole de l’Etat, les soignants sont débordés et bien sûr menacés eux-mêmes d’infection à tout moment.

L’ennemi devant eux avec la pandémie, mais aussi derrière eux en la personne de leur propre Président, les soignants du Nicaragua n’ont pas seulement la santé, et la vie, de leurs seuls compatriotes mais aussi des peuples de toute l’Amérique centrale.

Seul moyen de leur permettre de vaincre : les aider directement, en passant outre leur gouvernement. C’est ce qu’a entrepris SOS Nicaragua France, à travers une campagne de dons sur son espace HelloAsso.

L’Association of World Citizens défend l’action citoyenne en plus de celle de l’Etat, voire à la place et, s’il le faut, contre l’Etat. Ici, à la place suffit déjà bien, la société civile devant assumer seule et sans aide, envers son peuple et les pays voisins, la responsabilité que l’Etat ne reconnaît pas. Seule et sans aide, sauf si le peuple du monde vient à son secours.

Bernard J. Henry est Officier des Relations Extérieures de l’Association of World Citizens.

Capture d'écran 2020-06-02 20.34.09

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