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24 mars : La vérité est un Droit Humain

In Being a World Citizen, Democracy, Human Rights, Latin America, NGOs, Religious Freedom, Solidarity, Spirituality, Track II, United Nations on March 26, 2021 at 5:00 PM

Par Bernard J. Henry

Trente-cinq ans déjà, en janvier dernier, que le chanteur français Daniel Balavoine trouvait la mort tragiquement lors du Paris-Dakar où il était présent non comme coureur, mais, fidèle à ses convictions telles qu’il les exprimait dans ses chansons, pour une opération humanitaire qu’il avait mise en place et voulait voir aboutir – littéralement, il l’aura payé de sa vie.

Dans ses chansons, Balavoine évoquait souvent les Droits Humains, le sous-développement, les atteintes à l’environnement et, bien sûr, le racisme, comme dans son dernier succès de son vivant, L’Aziza. A sa manière, il était un Citoyen du Monde au sens où le conçoit l’Association of World Citizens (AWC). Dans son album de 1983 intitulé Loin des yeux de l’Occident, il chantait le sort des femmes dans le Tiers Monde, comme l’on appelait alors le monde en développement, les écrivains emprisonnés par les dictatures militaires d’Amérique latine et, dans cette même région du monde, les Mères de la Place de Mai en Argentine. Depuis 1977, deuxième année de la dictature militaire dans le pays, ces mères de «disparus forcés» manifestent face au siège du gouvernement en demandant la vérité sur le sort des leurs. La junte au pouvoir les avait surnommées les «folles de la Place de Mai» pour les discréditer ; elle n’a ainsi fait que rendre leur cause mondialement célèbre.

Dans Revolución, dernière piste de Loin des yeux de l’Occident qui a pour titre le dernier vers de cette même chanson, Balavoine chantait ainsi d’elles :

«Comme on porte une couronne,

Elles ont la peur sur leur visage ruisselant,

Espérant la maldonne,

Elles frappent leur poitrine en défilant,

Pieusement questionnent :

‘Est-ce que disparus veut dire vivants ?’

Faut-il qu’elles pardonnent

Pour croire que leurs morts ne sont qu’absents ?»

Et c’est bien là toute la question, au-delà même des atteintes aux Droits Humains – la question de la vérité sur les sévices commis, cette vérité que l’on refuse aux proches des victimes et qui, dans notre monde d’aujourd’hui, est pourtant considérée en elle-même comme un Droit Humain à part entière.

Monseigneur Romero : le plomb d’une balle pour le plomb du silence

Chaque année, dans le langage technique et bureaucratique, comme l’ONU et les autres organisations intergouvernementales bien intentionnées mais lourdes à manier en ont le secret, le 24 mars est la «Journée internationale pour le droit à la vérité en ce qui concerne les violations flagrantes des droits de l’homme et pour la dignité des victimes», même s’il suffit d’en retenir quatre mots, les plus «essentiels» comme le dit ce monde de pandémie – droit à la vérité.

Si Balavoine chantait les disparitions forcées, violation des Droits Humains qui invisibilise par excellence le martyre infligé aux victimes et permet comme nulle autre le mensonge, y compris en sa forme la plus cruelle et cynique qu’est le silence, le droit à la vérité concerne tout type d’atteinte aux Droits Humains, qu’elle soit perpétrée derrière les épais murs d’un bâtiment gouvernemental ou sous les yeux de qui voit soudain un proche connaître le pire. Et bien sûr, de la même manière que Chamfort parlait au dix-huitième siècle d’une France où «on laisse en repos ceux qui mettent le feu, et on persécute ceux qui sonnent le tocsin», dans un pays qui attente au droit, quiconque le dénonce devient soi-même une victime de choix.

Monseigneur Óscar Romero

C’est en mémoire de l’une de ces victimes, qui avait osé élever la voix sur les atrocités dont il avait été témoin, que la Journée internationale a été proclamée. Il se nommait Óscar Arnulfo Romero y Galdámez, il était Archevêque catholique romain de San Salvador, capitale du Salvador où la guerre civile opposait depuis peu le gouvernement conservateur et une guérilla marxiste. Lui aussi conservateur au départ, Monseigneur Romero reçoit un choc avec l’assassinat en 1977 d’un prêtre jésuite de son diocèse par un escadron de la mort pro-gouvernemental. Il devient alors un ardent défenseur des Droits Humains, notamment de ceux des paysans. Devenu un farouche dénonciateur des exactions de l’armée et des paramilitaires, il est abattu d’un coup de fusil en pleine poitrine le 24 mars 1980 alors qu’il dit sa messe dans un hôpital.

Le Salvador, autre pays dont avait parlé Balavoine dans Dieu que l’amour est triste, où il le rebaptisait le «San Salvador». Et autre exemple de la guerre aux Droits Humains que menaient à travers l’Amérique latine, du Guatemala jusqu’à la Terre de Feu, des dictatures civiles ou militaires auxquelles tout était bon pour réprimer la moindre opposition, cette guerre qui, en 1982, allait avoir pour victime collatérale à des milliers de kilomètres par-delà l’Atlantique, au Palais des Nations de Genève, Theo van Boven, chassé de la direction du Centre des Nations Unies pour les Droits de l’Homme pour avoir lui aussi élevé la voix trop fort, même si lui, au moins, y survécut et en témoigne encore à ce jour.

Le mensonge, première atteinte aux Droits Humains

Bien entendu, le temps a passé. Trente-cinq ans depuis le décès tragique de Daniel Balavoine. Plus de quarante ans depuis l’assassinat de Monseigneur Romero et bientôt tout autant depuis l’éviction de Theo van Boven. Mais le temps et l’évolution des atteintes aux Droits Humains n’ont fait, surtout depuis la Conférence de Vienne en 1993, que renforcer la victime, réelle ou potentielle, dans sa position centrale dès qu’il est question de défendre les Droits Humains ou, comme ici donc, de diffuser l’information sur les violations.

Theo van Boven

Ce qui est vrai pour les «folles de la Place de Mai», comme les appelaient avec mépris les «hommes des casernes» de Buenos Aires, est vrai pour toute autre situation où des droits sont violés et le secret est invoqué pour en cacher l’existence, ou la réalité au profit d’une version plus commode. Il n’est pas un type de violation des Droits Humains où le droit à la vérité ne s’avère crucial, même ce qui paraît évident pouvant receler une réalité plus occulte.

Qui a tué Lokman Slim au Liban ? Qui donne l’ordre de harceler Nidžara Ahmetašević, militante bosnienne de l’aide aux migrants à la frontière entre Croatie et Bosnie-Herzégovine ? Pourquoi Mohamed Gasmi, Défenseur des Droits Humains en Algérie, est-il poursuivi au pénal par son gouvernement sous les accusations calomnieuses, désormais devenues typiques des régimes autoritaires et des démocraties illibérales à travers le monde, d’avoir «eu des contacts avec des agents étrangers ennemis du pays» et «d’avoir comploté pour commettre des actes terroristes en sol national» ? Autant de questions auxquelles l’AWC s’est employée depuis le début de cette année à recueillir des réponses, autant que possible. Parce que le mensonge, à commencer par le silence qui en est la forme la plus venimeuse, est la première et la pire des atteintes aux Droits Humains.

Le droit à la vérité sur les atteintes aux Droits Humains n’est donc pas un pur vœu moral, pas plus qu’il ne doit demeurer un vœu pieux. Il est un véritable droit, dont la revendication n’est pas morale ou spirituelle mais bel et bien juridique, et au sens large du terme, politique. A défendre toujours, contre le mensonge et le silence des violateurs et contre les fausses vérités des tenants du complotisme et du confusionnisme sur Internet et ailleurs de par le monde.

Bernard J. Henry est Officier des Relations Extérieures de l’Association of World Citizens.

Pourparlers de paix en Afghanistan : Les femmes qui devraient être reines

In Being a World Citizen, Conflict Resolution, Current Events, Democracy, Human Rights, International Justice, Middle East & North Africa, NGOs, Solidarity, Spirituality, The Search for Peace, Track II, War Crimes, Women's Rights, World Law on March 8, 2021 at 7:00 AM

Par Bernard J. Henry

«Quand vous êtes blessé et abandonné sur les plaines d’Afghanistan, et que les femmes arrivent pour découper ce qu’il reste de vous, dépêchez-vous de rouler jusqu’à votre carabine, de vous faire sauter la cervelle et d’aller vers votre dieu comme un soldat», disait Rudyard Kipling, l’écrivain britannique dont le culte de la virilité, notamment militaire, transpire à travers son œuvre. En témoigne son poème «If», «Si …», traduit en français par André Maurois dans Les silences du colonel Bramble et parfois désigné par son vers final, «Tu seras un homme, mon fils».

Le même Kipling qui nous racontait, dans The Man Who Would Be King, en français L’homme qui voulut être roi, la fable de deux Anglais qui se jurent de découvrir le pays perdu du Kafiristan, niché quelque part entre Afghanistan et Pakistan, alors colonies britanniques. Ils y parviennent et, lors d’un affrontement avec des indigènes, un hasard fait que l’un des deux, Daniel Dravot, est subitement pris pour un dieu. Conduit à la capitale de ce pays rendu au culte d’Alexandre le Grand, il est proclamé fils du conquérant et couronné roi. Mais lorsqu’il épouse une jeune fille pour fonder sa dynastie, celle-ci le démasque. Dravot exécuté en public, son comparse supplicié puis libéré rentre en Inde en emportant sa tête encore ornée de la couronne.

L’histoire est fictive, mais le Kafiristan existe. Aujourd’hui le Nouristan, il est une province orientale de la République islamique d’Afghanistan, un pays où, loin des aventures viriles que rêvait Kipling, des femmes mènent une lutte quotidienne – une lutte pour la paix.

Vingt ans d’une paix introuvable

Depuis l’invasion soviétique de 1980, suivie de huit ans de combats entre régime communiste soutenu par Moscou et Mojahedin, combattants de la résistance – parmi lesquels se trouvait un groupe alors soutenu par les Etats-Unis, dénommé Al-Qaïda et commandé par un Saoudien du nom d’Osama bin Laden – le pays n’a jamais connu que la guerre, dont était sorti en 1996 l’ «Émirat islamique d’Afghanistan», créé par la milice islamiste des Talibans qui avait fait du même Osama bin Laden l’un de ses ministres, bien à l’abri pour lancer ses attaques terroristes contre son ancien allié américain le 11 septembre 2001. L’intervention militaire internationale qui avait ensuite mis fin à la folie meurtrière des Talibans n’a jamais engendré une paix durable.

Comme le chante Pierre Perret, “Quand la femme est grillagée, Toutes les femmes sont outragées.” (C) USAID

En presque vingt ans, plusieurs initiatives ont été lancées sous les présidences successives de Hamid Karzai et Ashraf Ghani, mais l’obstination des Talibans a mis à néant tous les efforts. Après un traité signé en 2016 avec un autre mouvement islamiste armé, le Hezb-e Islami Gulbuddin, des pourparlers de paix avec les Talibans se sont enfin ouverts en septembre dernier à Doha, la capitale du Qatar. Mais les discussions piétinent. Malgré des propos lénifiants, les Talibans démontrent encore et toujours la même haine d’une partie bien ciblée de la population, contre laquelle ils avaient déchaîné du temps de leur «émirat» toute leur répression – les femmes.

Les puissances étrangères engagées en Afghanistan n’ont pas oublié les cinq années de ce que les Talibans voulaient le régime islamique «le plus rigide au monde», ni les femmes cloîtrées chez elles, autorisées à sortir seulement sous la burqa et, lorsqu’accusées d’adultère, lapidées. Pas de paix au prix d’un retour à cette époque, insiste-t-on à Doha. Parfait. Mais s’il n’est pas question d’une paix aux dépens des droits des femmes, pourquoi alors maintenir les Afghanes en dehors des pourparlers ?

Les droits des femmes, nerf de la guerre

Réduites au silence sous les Talibans, devenues comme fantômes sous leurs burqas, les femmes ont su depuis 2001 profiter de leur liberté retrouvée. Certes voilées en public comme leurs sœurs iraniennes, dans cette République islamique d’Afghanistan dont le nom rappelle celui du voisin de l’ouest, les Afghanes n’en ont pas moins su faire entrer le vent dans leurs voiles.

Comme le rappelle Amnesty International, elles sont avocates, médecins, magistrates, enseignantes, ingénieures, athlètes, militantes, politiciennes, journalistes, bureaucrates, entrepreneuses, policières, soldates. Et ce sont aujourd’hui 3 300 000 petites Afghanes qui sont scolarisées, se préparant à marcher dans les pas de leurs aînées.

Et pourtant. La tentation existe pour Kaboul, du jour au lendemain, de décider que la paix avec l’irréductible ennemi taliban vaut bien de brûler les (re)conquêtes de ses citoyennes. Elles le savent. Farahnaz Forotan, journaliste de vingt-huit ans contrainte à l’exil car figurant sur une liste de personnes à abattre des Talibans, le sait mieux que toute autre. Pour dire le refus des Afghanes de voir leurs droits transformés en monnaie d’échange, elle a lancé la campagne MyRedLine (Ma ligne rouge) désignant la ligne à ne pas franchir à Doha.

Farahnaz Forotan

Dans l’État afghan, la paix s’écrit au masculin. Un Ministre d’État à la Paix a été nommé au sein du Gouvernement, auquel s’ajoute un Haut Conseil de la Réconciliation nationale dirigé par Abdullah Abdullah, ancien Ministre des Affaires Étrangères et candidat malheureux à la présidentielle de 2014. Pour l’équipe Ghani, la paix est une urgence, et qui dit urgence dit sacrifices. Les droits des femmes étant le nerf de la guerre, pour une paix qu’il faut obtenir à tout prix, le premier sacrifice sera de les brûler, craignent-elles légitimement de leurs propres autorités. Des mêmes hommes qui, salués voilà vingt ans comme les vainqueurs des Talibans, sont désormais prêts à de lourdes pertes à leur profit.

Et elles ont raison, car il est déjà un droit que le Gouvernement afghan leur a retiré en vue des pourparlers de paix – tout simplement, celui d’y participer. Impardonnable erreur.

Elles sauront faire la paix

Se croire habilité à toutes les concessions à l’ennemi parce que, l’ayant déjà vaincu une fois, l’on n’a pas réussi à le vaincre une seconde fois et qu’une paix doit être conclue d’urgence, un maréchal français l’avait déjà tenté, et depuis, son nom reste associé à la Shoah, même si, aujourd’hui comme hier, d’aucuns au sommet de l’Etat prônent une «patience malvenue», comme le chante Louis Chedid dans Anne, ma sœur Anne, envers le souvenir de l’inacceptable.

Si les hommes à la tête de l’Afghanistan sont prêts à emprunter ce même chemin, il leur faudra se souvenir que, pendant qu’entre leurs mains parlaient les armes, les femmes ont su mener leur propre lutte contre les Talibans, mais sans tuer ni blesser quiconque, luttant non pour le pouvoir mais pour le bien de toutes et tous, à commencer par les victimes les plus démunies des conflits armés, toujours et partout – les enfants.

Ainsi d’Ayesha Aziz, enseignante et directrice d’école, membre du Hezb-e Islami identique aux Talibans dans les idées mais qui, historiquement plus pragmatique, a conclu la paix avec le Gouvernement afghan. Avec Ayesha Aziz parmi les membres de sa délégation.

Ayesha Aziz (C) USIP

Déployant des talents de négociation et de diplomatie que d’autres s’interdisent de voir du seul fait qu’elle est une femme, elle a réussi à obtenir des Talibans l’ouverture d’écoles pour filles, des écoles qu’elle finance par le biais d’une entreprise de raffinement de pierres semi-précieuses qu’elle a créée et où elle engage des femmes par centaines. S’appuyant sur «le respect, l’humour et l’Islam», Ayesha Aziz obtient des résultats spectaculaires auprès de l’implacable milice islamiste.

Pour elle, la paix doit passer par le dialogue entre les femmes, celles du camp Ghani et les Talibanes, ainsi que par les zones rurales plutôt que par le sommet de l’État.

Très bien, pourrait-on dire, mais tout cela reste au niveau national et la paix se construit également avec des partenaires internationaux ; malgré tout son mérite, Ayesha Aziz ne semble pas taillée pour avoir affaire à eux. Si l’on pense ainsi, qu’à cela ne tienne. Palwasha Kakar, elle, sait parler hors de l’Afghanistan la langue que les décideurs doivent entendre.

Palwasha Kakar, lors de son témoignage devant le Congrès des Etats-Unis (C) USIP

Responsable principale du Programme Religion et Sociétés inclusives à l’United States Institute of Peace (USIP) de Washington, Palwasha Kakar a consacré plus de onze ans de sa vie à l’inclusion des femmes, l’engagement pour la paix des dignitaires religieux, la gouvernance et l’éducation dans son Afghanistan natal. A l’USIP, elle applique une approche comparative sur les femmes, la religion et la construction de la paix au Pakistan, en Libye, en Syrie, en Irak et au Myanmar. Son inspiration, elle la tient de ses sœurs afghanes qui, utilisant le cadre religieux, ont su négocier avec les Talibans pour des cessez-le-feu locaux, des libérations d’otages et des écoles pour filles.

Appelée à témoigner en 2019 devant le Congrès des Etats-Unis, témoignage capital au vu de la présence de deux mille cinq cents soldats américains en Afghanistan, Palwasha Kakar a rappelé que les femmes étaient essentielles au succès et à la durabilité de tout processus de paix, des pourparlers jusqu’à la mise en œuvre des accords, et qu’elles exigeaient une paix protégeant leurs acquis depuis 2001.

Pour les élus américains qui aimeraient trop Kipling, ce fut le temps d’un autre rappel. «A travers l’histoire de l’Afghanistan, les femmes ont toujours fait partie des processus de paix couronnés de succès. Même si l’on accorde toute la gloire à [l’empereur] Ahmed Shah Durrani pour avoir créé l’État d’Afghanistan moderne en 1747, c’est la contribution de Nazo Ana [poétesse et écrivaine] à l’unification des tribus qui se combattaient jusqu’alors pour ensuite affronter les Perses en 1709 qui fut la cheville ouvrière de la fondation de l’État afghan, ce qui lui a valu le titre de ‘Mère de la Nation afghane’. Quand les Talibans furent chassés du pouvoir en 2001 par les troupes américaines et leurs alliés, les femmes ont pris toute leur part au succès de l’accord politique du processus de Bonn et à la rédaction de la constitution qui a donné dix-huit ans de gouvernement démocratique stable, alors même que se poursuivaient les attaques des Talibans qui n’avaient pas été inclus dans le processus de Bonn».

Jadis, sans une femme, pas d’Afghanistan. Aujourd’hui, sans les femmes, pas d’Afghanistan libre. Demain, sans les femmes, un Afghanistan en paix est inconcevable.

La paix des femmes, seul espoir de survie

Professionnelles, citoyennes, militantes – mais indignes de donner la paix à leur pays.  A croire que les gouvernants afghans ont trop lu Kipling. Veulent-ils, à leur tour, être rois ? On le croirait pour peu, tant ils semblent craindre que, ceints de la couronne comme le fut Daniel Dravot de celle du Kafiristan, une femme censée les embrasser, mais refusant de se soumettre, ne les morde au sang et prouve que les faux dieux sont des mortels sans droit divin de régner.

Michael Caine (centre) et Sean Connery (droite) dans le film de John Huston L’Homme qui voulut être roi, d’après l’ouvrage de Rudyard Kipling, en 1975

Sans doute les femmes d’Afghanistan ne rêvent-elles pas d’être reines, laissant la futilité de ces fantasmes aux hommes pour se préoccuper de la vraie vie et de l’avenir. Mais lorsqu’il s’agit de rechercher la paix, juste et durable, impossible de ne pas penser qu’elles devraient être reines, autant que leurs compatriotes masculins se veulent rois, et pouvoir brandir leur sceptre face aux Talibans à Doha.

Blessé et abandonné sur les plaines d’Afghanistan, selon Kipling, il ne vous restait plus pour échapper à des femmes venues vous charcuter qu’à vous brûler la cervelle en un chevaleresque suicide. Sous les assauts des Talibans, c’est tout le peuple afghan qui git, blessé et abandonné, sur ses plaines rougies de sang. Voyant les femmes accourir pour le soigner et le relever, s’il leur prend la main, il saisit son ultime chance de survie. S’il choisit d’agripper son arme et se tirer une balle en refusant la paix des femmes, il voue son avenir à l’enfer.

Bernard J. Henry est Officier des Relations Extérieures de l’Association of World Citizens.