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Archive for the ‘The former Soviet Union’ Category

The Uprooted

In Being a World Citizen, Current Events, Europe, Human Rights, Humanitarian Law, Middle East & North Africa, Migration, NGOs, Refugees, Solidarity, The former Soviet Union, The Search for Peace, UKRAINE, United Nations, World Law on April 30, 2024 at 6:00 AM

By René Wadlow

Increasing numbers of people in countries around the world have been forced from their homes by armed conflicts and systematic violations of human rights. Those who cross internationally recognized borders are considered refugees and are relatively protected by the refugee conventions signed by most states. The 1951 Convention Relating to the Status of Refugees and its 1967 protocol give the United Nations (UN) High Commissioner for Refugees an international legal basis to ensure the protection of refugees.

However, those who are displaced within a country as is the case currently for many in the Gaza Strip and in Ukraine are not protected by the international refugee conventions. Thus, displacement within a State poses a challenge to develop international norms and ways to address the consequences of displacement and the possibility to reintegrate their homes, though in the case of Gaza many of the homes have been destroyed.

Refugees from Ukraine arrive in Poland (C) European Union

Armed conflicts within States often reflect a crisis of identity within the State. This can occur when a State becomes monopolized by a dominant group to the exclusion or marginalization of other groups. There is a need to provide protection and assistance to the uprooted. The UN High Commissioner for Refugees has been able to act in some cases as has been true also for the International Committee of the Red Cross (ICRC) which is mandated to protect civilians in war zones. The obligation to assist populations in immediate danger of starvation is largely recognized, and the UN World Food Program has been able to act. In some cases, nongovernmental humanitarian agencies have been able to be active. However, each situation requires new negotiations and results differ.

Thus, what is essential is that there be predictable responses in situations of internal displacement and that attention be paid not only to material assistance but also to the human rights of those displaced. To be effective, strategies to address mass displacement need to be broad and comprehensive. There is a need for political initiatives that seek to resolve the conflicts as the consequences often involve neighboring countries. Efforts must engage local groups, national institutions, and Nongovernmental Organizations (NGOs) to prevent situations that lead to persons being uprooted. As the representatives of NGOs, we have an opportunity to discuss with other NGOs the most appropriate next steps for action.

Prof. René Wadlow is President of the Association of World Citizens.

Missak Manouchian : A un grand homme, le Monde reconnaissant ?

In Armenia, Being a World Citizen, Current Events, Democracy, Europe, Fighting Racism, Human Rights, Literature, Middle East & North Africa, Poetry, Solidarity, The former Soviet Union, The Search for Peace, United Nations, World Law on February 21, 2024 at 7:00 AM

Par Bernard J. Henry

Aussi étonnant que cela puisse paraître à qui connaît mal le mouvement Citoyen du Monde, lorsqu’il s’est manifesté pour la première fois sous sa forme contemporaine pendant l’Assemblée générale de l’ONU au Palais de Chaillot, à Paris, en novembre 1948, ce fut sous la conduite de deux hommes qui avaient porté les armes de leurs pays respectifs, les Etats-Unis et la France, pendant la Seconde Guerre Mondiale.

Pour les Etats-Unis, c’était bien sûr Garry Davis, acteur et danseur à Broadway qui rêvait d’une carrière à Hollywood. Après la mort au combat de son frère Bud à Salerno, en Italie, dévasté par le chagrin puis embrasé par le désir de vengeance, le jeune artiste était devenu pilote de bombardier dans l’U. S. Air Force et, désormais sous-lieutenant, il avait participé à un raid sur la base allemande de Peenemünde où officiait Wernher von Braun qui, après la capitulation de l’Allemagne nazie, a joué un rôle majeur dans le programme spatial américain. En 1948, pris de remords d’avoir contribué à détruire des villes et bombarder des civils, Davis choisira de se rendre à Paris pour renoncer à son passeport américain et se proclamer Premier Citoyen du Monde.

Pour la France, c’était Robert Soulage, dit Sarrazac, instituteur de formation. A l’occasion de son service militaire comme élève-officier de réserve, le jeune Soulage avait fait la connaissance du lieutenant Henri Frenay qui, après le départ de l’armée de Soulage en 1942, l’avait entraîné avec lui dans la Résistance où il était devenu Sarrazac. Arrêté en janvier 1944, il était parvenu à s’évader et, ayant réintégré la Résistance, il avait organisé les maquis puis participé à la Libération. En 1947, il sera parmi les fondateurs du Front humain des Citoyens du Monde.

C’est ensemble que les deux anciens soldats, à présent unis dans une cause sans nation ni drapeau et, surtout, sans arme ni victime, interrompront l’Assemblée générale de l’ONU pour y lire à haute voix la Déclaration d’Oran écrite par Albert Camus.

Traditionnellement synonyme de pacifisme inconditionnel et de refus des frontières nationales, même si c’est là un résumé bien sommaire et réducteur de ce qu’elle représente – et, si on l’applique à l’AWC, une description si simpliste de son action qu’elle en serait tout simplement inexacte –, la Citoyenneté Mondiale contemporaine est donc bien issue de la Seconde Guerre Mondiale, plus spécifiquement de la lutte contre le nazisme. C’est aussi le cas des Nations Unies, organisation intergouvernementale par excellence depuis 1945 mais, auparavant, alliance militaire contre l’Axe, née du suprême paradoxe historique qui faisait du patriotisme armé de l’instant présent la condition sine qua non de l’universalisme pacifiste de l’avenir.

Qui, à l’époque, pouvait prétendre avoir le choix ? Pour ne parler que de l’Allemagne hitlérienne, le danger du fascisme tel qu’il se manifestait à travers l’Europe depuis les années 1930 et, dans un monde en guerre, l’horreur qu’inspirait l’idée d’un Axe vainqueur et dominant le monde pour un millier d’années, comme en rêvait Adolf Hitler, imposait de prendre les armes et, au besoin, de se joindre à un rival dont l’on se méfiait, comme s’y étaient résignés Churchill et de Gaulle, voire à son pire adversaire idéologique, comme l’avaient fait Roosevelt et Staline, pour vaincre un ennemi commun et empêcher à tout prix sa victoire. Les frontières ne comptaient plus, qu’elles soient nationales, idéologiques ou autres, face au péril fasciste.

Ce 21 février 2024, en France, un pays où l’extrême droite n’a jamais été politiquement aussi forte depuis la Libération d’août 1944 invite au Panthéon, lieu symbolique où reposent les plus grandes gloires du pays, un homme et son épouse qui sont deux symboles des plus vibrants de la lutte antifasciste de cette époque – Missak et Mélinée Manouchian, membres actifs de la Résistance, le premier ayant été pour cela fusillé voilà très précisément quatre-vingts-ans aujourd’hui. Un hommage aussi mérité et bienvenu qu’il est tardif, et qui ne peut que nous rappeler qu’aucun hommage au passé ne vaut s’il n’en sort un acte de vigilance pour le présent et l’avenir, tant éloigné que plus proche.

Manouchian, mort pour la France – qui ne voulait pas de lui

Né en 1906 dans l’actuelle Turquie, alors le siège de l’Empire ottoman, le jeune Missak a neuf ans lorsque son père tombe les armes à la main dans la résistance arménienne au génocide qui vient de débuter. Poussé vers l’exil avec sa mère et ses frères, devenu vite orphelin, Missak se retrouve en orphelinat d’abord en Turquie puis au Liban, confié avec son frère Garabed à des enseignants arméniens.

C’est en 1924 qu’il débarque en France, y rejoignant Garabed à Marseille où ils travaillent comme ouvriers. L’année suivante, les deux frères s’installent à Paris, économisant jusqu’à pouvoir faire venir à leurs côtés leur frère Haïg depuis la Syrie. Après avoir été brièvement interné en psychiatrie après le décès de Garabed en mars 1927 qu’il ne parvient pas à surmonter, Missak Manouchian, admirateur des Encyclopédistes inspirateurs de la Révolution française, athlète et poète tout à la fois, rencontre la Confédération générale du Travail (CGT), syndicat historiquement lié au Parti Communiste Français (PCF) auquel il adhère en 1934, encore sous le choc de la tentative de coup d’Etat des ligues fascistes du 6 février à Paris.

Missak Manouchian

Dans le même temps, Missak Manouchian devient membre de la section française du Comité de secours pour l’Arménie (Hay(astani) Oknoutian Gomidé ; HOG) et y fait la connaissance d’une jeune femme, Mélinée Assadourian. En 1935, les deux jeunes gens sont élus à la direction du HOG et, l’année suivante, ils se marient – plus exactement, ils obtiennent un «certificat de coutume en vue de mariage» car ils sont, l’un et l’autre, apatrides. Après la dissolution du HOG en 1937 et jusqu’en 1939, le rôle militant de Missak Manouchian s’accroît au sein du PCF, et pour la première fois en France, le jeune survivant du génocide arménien rencontre la répression.

Début septembre 1939, depuis le pacte germano-soviétique signé le mois précédent, les députés du PCF sont interdits de siéger, le parti et ses organisations connexes sont interdits et ses cadres sont en prison. Arrêté le 2, veille de la déclaration de la guerre, Missak Manouchian, qui a tenté en 1933 de devenir français mais sans succès, est libéré le mois suivant et, toujours apatride, il rejoint comme engagé volontaire une unité militaire en Bretagne, demandant une nouvelle fois sa naturalisation en janvier 1940 et essuyant un nouveau refus.

Après l’armistice de juin 1940, Missak Manouchian est maintenu de force en usine dans la Sarthe. C’est en 1941 qu’il s’en enfuit pour revenir à Paris, où le militant communiste jadis arrêté sous la République à cause du pacte germano-soviétique l’est de nouveau, cette fois par les autorités d’occupation, peu après la rupture du même pacte par l’Allemagne nazie et son invasion de l’URSS le 22 juin. Emprisonné à Compiègne, il est libéré sans charge et retrouve Mélinée à Paris.

Mélinée Assadourian Manouchian

En 1943, Missak Manouchian, désormais Michel, devient membre des Francs-tireurs et Partisans – Main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI) de Paris, groupe de Résistance issu du PCF, où ses camarades sont pour l’essentiel des Juifs de Roumanie et de Hongrie ainsi que des Arméniens comme lui, quoique moins nombreux. En août, Michel Manouchian est promu Commissaire militaire de la Région parisienne des FTP-MOI, multipliant les actions contre l’occupant dans son secteur de juridiction en novembre. Mais le 16 au matin, la Police française, de longue date sur ses traces, l’arrête à la gare d’Évry Petit-Bourg avec son supérieur politique Joseph Epstein.

Torturé d’entrée, Michel Manouchian est traduit devant le Tribunal militaire allemand du Grand-Paris le 19 février 1944, lors d’un simulacre de procès mis en scène pour la presse collaborationniste qui se régale du lynchage de ceux de l’Affiche rouge, placardée à l’envi par les services de Vichy, reprenant les visages de Manouchian et des membres de son groupe, chacun y étant fustigé sur son origine étrangère et/ou sa judéité auxquelles sont accolés ses faits d’armes qualifiés d’«attentats», la question en haut de l’affiche «Des libérateurs ?» trouvant sa réponse en bas : «La Libération par l’armée du crime !».

L’Affiche rouge, recto-verso

Sans surprise, le tribunal condamne à mort vingt-trois des accusés. Et le 21 février 1944, à Suresnes, dans l’actuel Département des Hauts-de-Seine, au sein de la Forteresse du Mont Valérien, jadis symbole de la résistance du peuple français à l’armée allemande pendant la guerre de 1870 et, inéluctablement, sous contrôle ennemi depuis 1940, Michel Manouchian, qui a refusé d’avoir les yeux bandés devant le peloton d’exécution, tombe sous les balles du fascisme. Deux fois refusé à la naturalisation, Missak Manouchian, apatride né dans la communauté arménienne de l’Empire ottoman, mourait ainsi pour la France alors qu’elle n’avait jamais voulu de lui parmi les siens.

Le 11 avril, Joseph Epstein subira le même sort au même endroit.

En tout, ce sont plus d’un millier de combattants de la France Libre qui seront fusillés à la Forteresse du Mont Valérien. Le 18 juin 1960, Charles de Gaulle, général et chef de la France Libre devenu Président de la République en 1958, y inaugurera le Mémorial de la France Combattante. Chaque année à la même date, le chef de l’Etat français y retrouve les autorités locales pour un hommage au pied du sanctuaire orné d’une croix de Lorraine, symbole de la Résistance gaulliste, et d’une flamme entretenue jour et nuit dont il est écrit sur place que «la flamme de la Résistance ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas».

Le Mémorial de la France Combattante du Mont Valérien (C) Bernard J. Henry/AWC

En 1959, Léo Ferré, chanteur franco-monégasque aux idées anarchistes assumées, donc hostile tant au gaullisme qu’au communisme, met en musique les Strophes pour se souvenir de Louis Aragon parues quatre ans plus tôt, sous le titre L’Affiche rouge que reprendra en 1976 le cinéaste Frank Cassenti pour raconter sur grand écran l’histoire de Michel Manouchian et ses frères d’armes dans la Résistance. Malgré ces vibrants hommages artistiques, ce n’est qu’en novembre 1978 que la ville d’Ivry-sur-Seine, dans l’actuel Département du Val-de-Marne, érigera un monument à ceux de l’Affiche rouge et les y fera inhumer. Selon l’idéologie qui animait les Résistants français, toutes leurs mémoires ne se valaient pas.

Mélinée, veuve, biographe et gardienne de la mémoire

Quant à Mélinée, ayant d’abord pris la fuite avec l’aide d’une famille arménienne résistante de Paris, les Aznavourian, dont le fils Shahnourh deviendra plus tard le chanteur Charles Aznavour, elle poursuit la lutte au sein du milieu arménien de la Résistance. Après la Libération, elle publie un recueil des poèmes de feu son époux qu’elle a traduits de l’arménien.

En 1947, répondant à l’appel de l’URSS à ses anciens ressortissants pour venir œuvrer au repeuplement, elle part pour Erevan, capitale de l’Arménie soviétique, où elle enseigne le français. Mais son dégoût du stalinisme et un cancer mal soigné la poussent à vouloir revenir en France, ce qu’elle n’est autorisée à faire qu’en 1960 avec l’avènement de Nikita Khrouchtchev.

Première biographe de Missak Manouchian, elle consacrera sa vie à promouvoir sa mémoire et celle des Arméniens de la Résistance. Après une vive polémique dans les années 1980 avec la direction du PCF sur le rôle du parti dans la mise en danger de Missak Manouchian qu’elle avait alors cherché à protéger, Mélinée s’éteint en 1989. Inhumée à Ivry-sur-Seine près de son époux mais non avec lui, elle le rejoint finalement en 1994, cinquante ans après l’exécution au Mont Valérien.

Aujourd’hui, sur la décision du Président de la République française, Emmanuel Macron, c’est ensemble qu’ils entrent au Panthéon.

Une histoire personnelle

J’habite Suresnes depuis plus de quinze ans. Je suis né à Saint-Cloud, ville voisine, et suis originaire de Rueil-Malmaison, autre ville voisine, toutes deux situées en partie comme Suresnes et Nanterre sur le Plateau du Mont Valérien. L’histoire des fusillés de la forteresse occupée est dans ma vie depuis toujours. Si je ne suis pas arménien et n’ai pas une goutte de sang en commun avec Missak Manouchian, son histoire est aussi mon histoire, l’histoire de la France et, pour moi, une histoire personnelle.

Pendant l’Occupation, une partie de ma famille maternelle habitait Nanterre, et en cette époque de bruit urbain autrement moins important qu’aujourd’hui – amoindri plus encore par les restrictions de circulation des autorités allemandes – lorsqu’une exécution avait lieu au Mont Valérien, les coups de feu s’entendaient jusque chez eux, sur le Plateau. Pour ces immigrés du nord de l’Italie, eux aussi membres de la Résistance alors que certains n’avaient jamais pu obtenir la nationalité française du temps de la Troisième République, c’était aussitôt la pensée qu’un jour, peut-être, ce serait leur tour de se retrouver devant les fusils.

Même ceux d’entre eux qui étaient toujours italiens avaient porté les armes pour la France. Non mobilisés en 1939 puisque n’étant pas citoyens français, mais sujets du Royaume d’Italie qui vivait depuis octobre 1922 sous la terreur fasciste de Benito Mussolini, c’est pourtant vers l’armée qu’ils se sont tournés en octobre 1940, lorsque Rome a rejoint son allié allemand dans la guerre contre la France. Désormais ressortissants d’un État ennemi, ils se voyaient déjà soit internés dans un camp, l’un de ces camps d’étrangers créés par le gouvernement issu du Front populaire à partir de 1938, soit déportés vers cette Italie qu’ils avaient fuie. Unanimement, ils se sont engagés dans l’armée française où leur origine italienne leur a valu d’être versés dans les Chasseurs alpins pour aller, à la frontière sud-est du pays, tirer sur leurs compatriotes. Prisonniers de guerre, certains n’obtinrent finalement la nationalité française qu’en 1953, huit ans après la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Et aucune décoration que je sache.

Durant son «procès» devant le Tribunal militaire allemand du Grand-Paris, Missak Manouchian a jeté à la face de ses juges «La nationalité française, vous l’avez héritée, et nous, nous l’avons méritée». Mes proches ancêtres à moi l’ont eue, au risque même de leurs vies, et pourtant, les Français qui l’ont «héritée» ne se sont jamais privés de leur faire remarquer qu’ils étaient au départ des étrangers. Entre qui voulait seulement défendre sa terre ancestrale passée sous la botte de l’ennemi héréditaire s’étant montré plus fort au combat et qui voulait défendre le pays incarnant à ses yeux une idée, une liberté et presque un droit, tout le monde en France n’avait pas rejoint la même Résistance.

L’histoire de Missak Manouchian et de ceux de l’Affiche Rouge, c’est aussi mon histoire à moi, celle de la migration ouvrière et de la résistance au fascisme par-delà les nationalités et les idéologies. L’histoire du pays qui envoie aujourd’hui même le couple Manouchian reposer parmi ses plus grands mais qui, ne serait-ce qu’à travers ses dirigeants, à coups de lois sur la migration à forte teneur xénophobe et de discours «de patience malvenue», comme le chante Louis Chedid dans Anne ma sœur Anne, affirme de plus en plus fort que les héritiers politiques des Français qui ont collaboré avec l’occupant allemand ne sont pas plus dangereux que ceux des Résistants, au risque de leur offrir bientôt le pouvoir et leur permettre y compris d’anéantir, ne serait-ce que de décharner, l’histoire de la Résistance au-delà de celle de Français n’ayant cherché qu’à chasser de chez eux un ennemi étranger, sans forcément dire non à une forme de fascisme «maison» à la place.

Tout le monde en France n’a pas, comme moi, la Résistance en héritage familial. Dans d’autres familles, c’est au contraire la collaboration avec l’Allemagne nazie qui forme le passif, ou bien encore l’absence de choix d’un camp, peut-être au profit du seul impératif de survie. Une chose est sûre toutefois : le pays où nous vivons, cette France libre et démocratique, c’est bel et bien l’œuvre des Manouchian, de Robert Sarrazac et de leurs camarades de la Résistance, ce n’est pas l’État français du Maréchal Pétain auquel auraient succédé les Quatrième puis Cinquième République, comme en Espagne où la monarchie a succédé au franquisme même sans en poursuivre les politiques fascistes, à l’inverse du Portugal voisin où la Révolution des Œillets avait marqué une rupture claire et nette avec le salazarisme. Renier ou minimiser l’héritage de la Résistance, le reléguer en quelque façon au rang de passé révolu tout juste digne de la cave ou du grenier, pour chaque Française ou Français, c’est scier la branche où l’on est assis.

Comment dès lors, et surtout pourquoi, chercher à honorer dans le passé ce que l’on démonétise dans le présent ? Les honneurs rendus aux Manouchian sont-ils le premier pas vers un changement plus qu’attendu, celui du retour aux «leçons de l’histoire» chères à Elie Wiesel et George Santayana, ou bien un solde de tout compte avant de dire pour de bon que la France d’aujourd’hui ne doit plus rien à la Résistance ?

Le monde reconnaissant ?

Bien sûr, la politique de l’oubli ne touche pas que la France. Avec Donald Trump, les Etats-Unis avaient eux aussi cédé à la tentation d’oublier les grands combats de leur histoire, qu’il s’agisse de la Guerre de Sécession ou de l’héroïsme des G.I. en Normandie voilà quatre-vingts ans, et le risque existe toujours de voir, en novembre prochain, un retour à ce choix de l’oubli après quatre ans d’administration démocrate. En Italie, les héritiers politiques de Mussolini ont conquis le pouvoir. En Argentine, un candidat d’inspiration semblable, Javier Milei, a pris la présidence, et aux Pays-Bas, le parti populiste de Geert Wilders a lui aussi remporté une majorité parlementaire mais sans pouvoir quant à lui former un gouvernement. Dans l’ancien monde communiste, la Hongrie, le Belarus et bien sûr la Russie se distinguent comme les plus tragiques exemples de l’abandon d’un extrême pour verser dans son opposé. La liste n’étant hélas pas exhaustive.

Les derniers témoins de la Seconde Guerre Mondiale, en ce compris de la Shoah en Europe, disparaissent. Ce temps était voué à arriver un jour ou l’autre. Mais leurs souvenirs, leurs récits, leurs mises en garde pour le présent, leurs avertissements pour l’avenir sont aussi nombreux qu’ils sont éternels. Que les témoins de l’horreur rejoignent le monde qui attend chacune et chacun au bout de l’existence, rien que de très normal. Mais qu’ils le fassent en un temps où leur héritage se voit si méprisé, voire dans certains cas contesté, cela ne peut que résonner comme un assourdissant signal d’alarme.

A Paris, le Panthéon porte en son fronton l’inscription «Aux grands hommes la Patrie reconnaissante», reliquat d’un temps où les femmes n’étaient pas jugées dignes de cette reconnaissance. Ce n’est qu’en 1995, avec Marie Curie, qu’une femme fut enfin admise au Panthéon, du moins pour ses mérites, la toute première ayant été, en 1907, Sophie Berthelot, l’épouse du chimiste Marcellin Berthelot qui n’avait fait que suivre le sort de son mari.

Le Panthéon à Paris (C) Guilhem Vellut

Parmi ces «grands hommes» et donc aussi désormais «grandes femmes» reposent déjà d’autres figures de la Résistance. En 1964, André Malraux y accueillait un autre ancien Résistant, légendaire préfet cadre puis martyr de la France libre, par ces mots devenus eux aussi légendaires, «Entre ici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège», André Malraux qui rejoignit à son tour le Panthéon en 1996, où il prenait place aux côtés de deux autres figures de la Résistance, Félix Éboué et René Cassin, père de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme. En 2015, quatre autres Résistants intégraient la crypte sacrée de la République – Pierre Brossolette, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Germaine Tillion et Jean Zay.

Ce n’est pas que «la Patrie», comme l’appellent les Français du haut du Panthéon, qui peut et doit leur être reconnaissante ainsi qu’aux Manouchian. C’est un monde qui, tout entier, jusqu’aux confins de la Cordillère des Andes dans une Amérique latine qui n’a jamais vu la Seconde Guerre Mondiale sur son sol, a été façonné par la lutte contre le fascisme et tout ce qu’elle a produit après la victoire.

Tout d’abord, la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, promue par Cassin aux côtés d’Eleanor Roosevelt et que Garry Davis qualifiait, bien optimiste, de «reconnaissance politique de l’être humain». Ensuite, l’idée qu’il n’existait aucune raison pour qu’une partie du monde continue à s’approprier comme dans les temps anciens la terre, la population, les ressources et le travail de peuples en habitant d’autres, ce qui amena la fin du colonialisme occidental.

Enfin, le principe fondamental, mais si violemment bousculé depuis le début de la décennie, que la guerre de conquête et l’extermination de masse ne se justifient pas même par la guerre, ni dans les Sudètes, en Tchécoslovaquie ou en Pologne à l’époque, ni en Syrie, en Ukraine ou en Israël et dans les Territoires palestiniens aujourd’hui.

Le soldat français tué en tentant de défendre un village en mai 1940, le soldat anglais tué sur son sol natal lors du Blitz allemand, le soldat soviétique tué par la Wehrmacht dans l’ouest de la Russie après la rupture par Hitler de son pacte avec Staline, le soldat américain tué le 6 juin 1944 sur une plage de Normandie, le Résistant ou partisan tué au combat en France, en Italie ou ailleurs, tous ces héros inconnus et qui le resteront, tous méritent la reconnaissance. Mais aujourd’hui, Missak Manouchian est mis à l’honneur par celui des cinq Membres permanents du Conseil de Sécurité qui fut à la fois le plus meurtri en son territoire et le plus actif au combat contre l’Axe durant la Seconde Guerre Mondiale. C’est là un acte qui est tout autant à saluer qu’à interroger.

Quel exemple, quelle leçon, entend en tirer la France aux Nations Unies et dans sa politique étrangère – mais aussi, car le besoin en est réel, intérieure ? Quel engagement solennel, quel acte de vigilance pour l’avenir proche et lointain, viendra valider cet hommage au passé ? Quelle reconnaissance de la France, mais aussi du monde, à Missak Manouchian, «grand homme» à partir d’aujourd’hui, et à Mélinée Manouchian qui rejoint ainsi Simone Veil et Joséphine Baker, sortira de cette canonisation laïque si elle n’est un pur vœu pieux ?

La réponse se trouvera dans notre aptitude à, et/ou notre volonté de, savoir délaisser les congratulations officielles pour embrasser l’esprit et, c’est là que le mot convient le mieux, la lettre de ce qu’écrivait Missak, ou Michel, Manouchian dans son poème «Privation» :

«Quand j’erre dans les rues d’une métropole,

Toutes les misères, tous les dénuements,

Lamentation et révolte l’une à l’autre,

Mes yeux les rassemblent, mon âme les loge».

A Paris, au Quartier Latin, nous verrons passer Manouchian depuis son éternité, errant dans les rues de la métropole, et ses combats, nous les ferons nôtres. Ou bien, à Paris et partout dans le monde, enchaînés de plein gré dans notre ingratitude envers ces combats qui écrivirent toute son histoire, toute la nôtre, toute celle du monde, nous perdrons tout.

Bernard J. Henry est Officier des Relations Extérieures de l’Association of World Citizens.

How an Unused But Not Forgotten Standard of World Law May Help the Armenians of Nagorno-Karabakh

In Armenia, Being a World Citizen, Conflict Resolution, Current Events, Europe, Fighting Racism, Human Rights, International Justice, Nagorno-Karabakh, NGOs, Solidarity, The former Soviet Union, The Search for Peace, Track II, United Nations, War Crimes, World Law on October 1, 2023 at 6:34 PM

By René Wadlow

Adapted from “An Unused but not Forgotten Standard of World Law“, December 10, 2021

Recent events in Nagorno-Karabakh in the conflict between Azerbaijan and Armenia have raised the issue of possible genocide and the role that the 1948 Convention on Genocide may play.

Genocide is the most extreme consequence of racial discrimination and ethnic hatred. Genocide has as its aim the destruction, wholly or in part, of a national, ethnic, racial, or religious group as such. The term was proposed by the legal scholar Raphael Lemkin, drawing on the Greek genos (people or tribe) and the Latin –cide (to kill) (1). The policies and war crimes of the Nazi German government were foremost on the minds of those who drafted the Genocide Convention, but the policy was not limited to the Nazis (2).

The Genocide Convention is a landmark in the efforts to develop a system of universally accepted standards which promote an equitable world order for all members of the human family to live in dignity. Four articles are at the heart of this Convention and are here quoted in full to understand the process of implementation proposed by the Association of World Citizens (AWC), especially of the need for an improved early warning system.

Article I

In the present Convention, genocide means any of the following acts committed with intent to destroy, in whole or in part, a national, ethnical, racial or religious group, as such:

(a) Killing members of the group;
(b) Causing serious bodily or mental harm to members of the group;
(c) Deliberately inflicting on the group conditions of life calculated to bring about its physical destruction in whole or in part;
(d) Imposing measures intended to prevent births within the group;
(e) Forcibly transferring children of the group to another group.

Unlike most humanitarian international law which sets out standards but does not establish punishment, Article III sets out that the following acts shall be punishable:

(a) Genocide;
(b) Conspiracy to commit genocide;
(c) Direct and public incitement to commit genocide;
(d) Attempt to commit genocide;
(e) Complicity in genocide

Article IV

Persons committing genocide or any of the other acts enumerated in article III shall be punished, whether they are constitutionally responsible rulers, public officials or private individuals.

Article VIII

Any Contracting Party may call upon the competent organs of the United Nations to take such action under the Charter of the United Nations as they consider appropriate for the prevention and suppression of acts of genocide or any of the other acts enumerated in article III.

Numerous reports have reached the Secretariat of the United Nations (UN) of actual, or potential, situations of genocide: mass killings; cases of slavery and slavery-like practices, in many instances with a strong racial, ethnic, and religious connotation — with children as the main victims, in the sense of article II (b) and (c). Despite factual evidence of these genocides and mass killings as in Sudan, the former Yugoslavia, Rwanda, Burundi, the Democratic Republic of Congo, Sierra Leone and in other places, no Contracting Party to the Genocide Convention has called for any action under article VIII of the Convention.

As Mr. Nicodème Ruhashyankiko of the Sub-Commission on Prevention of Discrimination and Protection of Minorities wrote in his study of proposed mechanisms for the study of information on genocide and genocidal practices “A number of allegations of genocide have been made since the adoption of the 1948 Convention. In the absence of a prompt investigation of these allegations by an impartial body, it has not been possible to determine whether they were well-founded. Either they have given rise to sterile controversy or, because of the political circumstances, nothing further has been heard about them.”

Raphael Lemkin

Yet the need for speedy preventive measures has been repeatedly underlined by UN Officials. On December 8, 1998, in his address at UNESCO, UN Secretary-General Kofi Annan said “Many thought, no doubt, that the horrors of the Second World War — the camps, the cruelty, the exterminations, the Holocaust — could not happen again. And yet they have, in Cambodia, in Bosnia and Herzegovina, In Rwanda. Our time — this decade even — has shown us that man’s capacity for evil knows no limits. Genocide — the destruction of an entire people on the basis of ethnic or national origins — is now a word of our time, too, a stark and haunting reminder of why our vigilance must be eternal.”

In her address Translating words into action to the UN General Assembly on December 10, 1998, the then High Commissioner for Human Rights, Ms. Mary Robinson, declared “The international community’s record in responding to, let alone preventing, gross human rights abuses does not give grounds for encouragement. Genocide is the most flagrant abuse of human rights imaginable. Genocide was vivid in the minds of those who framed the Universal Declaration, working as they did in the aftermath of the Second World War. The slogan then was ‘never again’. Yet genocide and mass killing have happened again — and have happened before the eyes of us all — in Rwanda, Cambodia, the former Yugoslavia and other parts of the globe.”

We need to heed the early warning signs of genocide. Officially directed massacres of civilians of whatever numbers cannot be tolerated, for the organizers of genocide must not believe that more widespread killing will be ignored. Yet killing is not the only warning sign. The Convention drafters, recalling the radio addresses of Hitler and the constant flow of words and images, set out as punishable acts “direct and public incitement to commit genocide”. The Genocide Convention, in its provisions concerning public incitement, sets the limits of political discourse. It is well documented that public incitement — whether by Governments or certain non-governmental actors, including political movements — to discriminate against, to separate forcibly, to deport or physically eliminate large categories of the population of a given State, or the population of a State in its entirety, just because they belong to certain racial, ethnic, or religious groups, sooner or later leads to war. It is also evident that, at the present time, in a globalized world, even local conflicts have a direct impact on international peace and security in general. Therefore, the Genocide Convention is also a constant reminder of the need to moderate political discourse, especially constant and repeated accusations against a religious, ethnic, and social category of persons. Had this been done in Rwanda, with regard to the Radio Mille Collines, perhaps that premeditated and announced genocide could have been avoided or mitigated.

For the UN to be effective in the prevention of genocide, there needs to be an authoritative body which can investigate and monitor a situation well in advance of the outbreak of violence. As has been noted, any Party to the Genocide Convention (and most States are Parties) can bring evidence to the UN Security Council, but none has. In the light of repeated failures and due to pressure from nongovernmental organizations, the Secretary-General has named an individual advisor on genocide to the UN Secretariat. However, he is one advisor among many, and there is no public access to the information that he may receive.

Therefore, a relevant existing body must be strengthened to be able to deal with the first signs of tensions, especially ‘direct and public incitement to commit genocide.” The Committee for the Elimination of Racial Discrimination (CERD) created to monitor the 1965 International Convention on the Elimination of All Forms of Racial Discrimination would be the appropriate body to strengthen, especially by increasing its resources and the number of UN Secretariat members which service the CERD. Through its urgent procedure mechanisms, CERD has the possibility of taking early-warning measures aimed at preventing existing strife from escalating into conflicts, and to respond to problems requiring immediate attention. A stronger CERD more able to investigate fully situations should mark the world’s commitment to the high standards of world law set out in the Genocide Convention.


Notes

1) Raphael Lemkin. Axis Rule in Occupied Europe (Washington: Carnegie Endowment for World Peace, 1944).

2) For a good overview, see: Samantha Power. A Problem from Hell: America and the Age of Genocide (New York: Basic Books, 2002)

3) William Schabas, Genocide in International Law (Cambridge: Cambridge University Press, 2000)

4) E/CN.4/Sub.2/1778/416, Para 614


Prof. René Wadlow is President of the Association of World Citizens.

UN General Assembly Starts: “You don’t have to be a weatherman to know the way the wind is blowing”

In Being a World Citizen, Conflict Resolution, Current Events, Europe, Middle East & North Africa, NGOs, The former Soviet Union, The Search for Peace, Track II, UKRAINE, United Nations on September 18, 2023 at 6:38 PM

By René Wadlow

With the United Nations (UN) General Assembly starting on September 19, there is a good deal of reflection among governments and Nongovernmental Organizations (NGOs) as to the effectiveness of the UN to meet the challenges facing the world community.

In 1992, the then Secretary-General, Boutros Boutros-Ghali, outlined a post-Cold War Agenda for Peace. He built his Agenda on four key pillars for UN action: Preventive Diplomacy, Peacemaking, Peacekeeping, and Post-conflict Peacebuilding. Today, these four pillars remain the heart of UN action. What is new from 1992 is the increased role of NGOs and potentially of the international business community, both in preventive diplomacy and post-conflict peacebuilding.

Preventive diplomacy is the more important and requires creative action when there are signs of tensions which can develop into armed conflict unless preventive measures are taken on a variety of fronts. There were at least four months of protests and nonviolent efforts in Syria before the armed violence and counterviolence exploded. This period might have been used to see if needed reforms could be put into place.

(C) Basil D. Soufi/GPA Photo Archive

Likewise, signs of growing tensions between the Russian Federation and Ukraine were visible to many prior to the Russian attack. There had been the “Normandy Effort” – Russia, Ukraine, France, and Germany. There was no visible UN leadership and few NGO efforts to build on this mediation effort to create new constitutional structures within Ukraine.

Today, there are other tension situations that require preventive action: India-China frontier disputes, South China Sea delimitation issues, China-Taiwan tensions, increasing tensions within Myanmar which are already violent but can easily spread if things continue as they are going, the struggle for power in Sudan, and increased Israeli-Palestinian tensions.

For NGOs concerned with peacemaking, there is a need to create mediation teams which can act quickly and have already developed avenues of communication with the authorities, media, and significant actors in those countries where tensions are growing. The winds of violence usually give signs before they are full blown. Creative preventive diplomacy is urgently needed.

Prof. René Wadlow is President of the Association of World Citizens.

«Pour toi Arménie» le monde doit faire cesser le blocus du Haut-Karabakh

In Being a World Citizen, Conflict Resolution, Current Events, Europe, Fighting Racism, Human Rights, Humanitarian Law, International Justice, NGOs, Spirituality, The former Soviet Union, The Search for Peace, United Nations, World Law on September 14, 2023 at 7:16 AM

Par Bernard J. Henry

«Même si tu maudis ton sort,

Dans tes yeux, je veux voir,

Arménie, une lueur d’espoir,

Une flamme, une envie

De prendre ton destin entre tes mains,

A bras le corps …»

Ces paroles écrites par Charles Aznavour, né Sharnough Aznavourian, font partie de Pour toi Arménie, la chanson dont il était l’auteur avec son beau-frère et complice musical de toujours Georges Garvarentz en 1988. Cet hommage amoureux à la terre de ses racines familiales, le plus célèbre des artistes franco-arméniens ne l’avait pas écrit seulement par un élan du cœur. Cette chanson était une urgence – l’urgence d’aider son Arménie frappée par un tremblement de terre meurtrier et dont la population déjà démunie s’était trouvée abandonnée à son sort.

Le 7 décembre 1988, la ville de Spitak, au nord de ce qui était alors la République socialiste soviétique d’Arménie au sein de l’URSS vivant la perestroïka de Mikhaïl Gorbatchev, à 11H41 très précises, un séisme de 6,9 sur l’échelle de Richter dévaste la ville. Dans cette Union soviétique qui avoue désormais ses faiblesses, les services de secours ne parviennent à sauver que quatre-vingts personnes des ruines des immeubles effondrés, tandis que vingt-cinq à trente mille personnes trouvent la mort, plus de quinze mille en sortent blessées et cinq cent trente mille n’ont désormais plus nulle part où vivre. Moscou et son affidée d’alors Erevan dépassées par l’ampleur du drame, la diaspora arménienne prend le relais et l’aide à la terre d’origine meurtrie s’organise – en dehors de l’Arménie.

Suivant l’exemple américain de Harry Belafonte, Quincy Jones et Lionel Richie en 1985 avec We Are the World pour l’Ethiopie, Aznavour rassemble quatre-vingt-huit autres chanteurs, acteurs et personnalités de la télévision avec lesquels il enregistre Pour toi Arménie en annonçant que tous les profits du 45 tours, en cette époque sans le streaming et où l’on achète encore des disques vinyles, iront à l’aide humanitaire sur place. Et le public répond présent, le 45 tours entrant directement premier au Top 50, le classement national hebdomadaire des ventes, dont il gardera la première place pendant plusieurs semaines. C’est Aznavour lui-même qui conclut la chanson par le nom de l’Arménie dans la langue nationale, «Hayastan !», tant en français qu’en italien et même en anglais, dans une version américaine que sa notoriété internationale lui permet d’enregistrer avec le soutien de nombreuses célébrités des écrans, grand et petit, ainsi que de la chanson comme Dionne Warwick.

Le 1er octobre prochain verra les cinq ans de la disparition de Charles Aznavour, artiste de légende, humanitaire mais aussi ambassadeur d’Arménie à l’UNESCO puis au Palais des Nations, dont l’Association of World Citizens (AWC) a un jour croisé le chemin pour venir en aide à une habitante de Erevan chassée de son domicile par des violences conjugales. S’il était encore des nôtres, comment réagirait-il au drame que vit actuellement l’Arménie, drame qui, contrairement à celui de Spitak en 1988, n’est pas le fait de la nature mais d’un ennemi bien plus dangereux encore pour l’être humain – lui-même ?

La seule absence de combat ne sera jamais la paix

Entre 1988 et 1994, l’Arménie et son voisin de l’est, l’Azerbaïdjan, républiques soviétiques avant de devenir indépendantes à la faveur de la disparition de l’Union soviétique fin 1991, se sont affrontées militairement autour d’un territoire voisin de l’Arménie, peuplé pour l’essentiel d’Arméniens mais appartenant juridiquement à l’Azerbaïdjan – le Haut-Karabakh, ou Nagorno-Karabakh, sur une partie duquel se tient la République d’Artsakh reconnue par Erevan. Soutenu par Gorbatchev du temps de l’URSS, l’Azerbaïdjan avait refusé tout transfert de souveraineté du Haut-Karabakh à l’Arménie, position qu’il a maintenue en tant qu’État souverain et maintient encore aujourd’hui.

(C) Bourrichon

En 1992, après plusieurs années d’un conflit dominé par l’Azerbaïdjan doté d’un large soutien du monde musulman, l’Arménie remporte de premières victoires décisives. Deux ans plus tard, en mai, c’est un Azerbaïdjan désormais épuisé par une nette domination militaire arménienne qui accepte une trêve, qui ne règle pas le conflit du Haut-Karabakh mais le «gèle» sans solution, laissant le territoire indépendant de facto mais non reconnu sur le plan international. Au cours des années, les liens avec l’Arménie vont se resserrer, culminant avec l’élection en 2008 d’un natif du Haut-Karabakh, Serge Sarkissian, à la présidence de l’Arménie qu’il occupera pendant dix ans. Entre l’Arménie et le Haut-Karabakh, un seul lien terrestre direct : le corridor de Latchine, large de quelques cinq kilomètres et long de soixante-cinq. Au-delà, l’Azerbaïdjan vaincu, rêvant d’une revanche au détour de l’histoire.

Fin septembre 2020, après le traumatisme d’une année marquée par la pandémie de Covid-19 et qui verra le monde quasi mis à l’arrêt, avec un tiers de la population de la planète confinée à son domicile, l’Azerbaïdjan prend de court une communauté internationale encore sous le choc en lançant une violente offensive contre le Haut-Karabakh. Cette fois, Bakou garde l’ascendant du début à la fin des hostilités, qui vient le 10 novembre avec un cessez-le-feu conclu à l’issue d’une médiation de la Fédération de Russie, avec de lourdes pertes de territoire pour l’Arménie qui doit de céder un tiers du Haut-Karabakh et en retirer ses troupes, Moscou déployant les siennes pour maintenir le cessez-le-feu. Pour les civils arméniens, c’est le temps de l’exil, non sans avoir pour beaucoup d’entre eux brûlé leur maison plutôt que de la voir accueillir des Azerbaïdjanais.

A Latchine, ce sont les forces de maintien de la paix russes qui prennent position, l’Arménie conservant le droit d’utiliser le passage terrestre avec le Haut-Karabakh. Seulement, à partir de février 2022, les mêmes forces armées russes qui maintiennent la paix entre Arménie et Azerbaïdjan deviennent aussi les forces d’invasion de l’Ukraine, qui vaut à Moscou une vaste et légitime condamnation internationale. Qui peut prétendre assurer la paix entre deux belligérants qui, dans le même temps, envahit son voisin ? L’Azerbaïdjan ne va pas tarder à le comprendre. Et dans cette paix qui n’en était pas une depuis la trêve de 1994, l’étant encore moins depuis le cessez-le-feu de 2020, Bakou va en tirer parti. De la pire manière qui soit.

En novembre 2020, des Yazidis se portent volontaires pour rejoindre les forces armées arméniennes et combattre au Haut-Karabakh (C) Armenian Army Media

L’arme de la faim et la «guerre sale» de Bakou

En cet automne 2020, entre Arménie et Azerbaïdjan, sur le Haut-Karabakh, match nul. Le bon moment, sans doute, pour entamer des discussions de paix entre les deux pays qui savent désormais chacun ce que c’est que d’être vainqueur et vaincu. Mais personne ne s’y aventure, et tout comme en 1994, la situation semble gelée sans espoir d’un dénouement définitif du conflit après plus de trente ans. Lorsque survient, du côté de l’Azerbaïdjan, l’impensable.

Le 12 décembre 2022, des Azerbaïdjanais se présentant comme des «militants écologistes» prennent position à l’entrée du corridor de Latchine, entendant bloquer une «exploitation illégale» de minerais locaux. Niant tout lien avec ces «militants écologistes» chez lesquels les slogans pour l’environnement cohabitent avec le drapeau azerbaïdjanais, le Président Ilham Aliyev se montre envers eux étonnamment indulgent par rapport à ses habitudes envers la société civile, habitudes dont nombre de militants ont payé le prix en cellule. Et pour cause, la société civile, la vraie, détient les preuves du lien direct entre ces «militants écologistes» et Bakou.

La preuve ultime, c’est justement Bakou qui la fournira lui-même, le 11 juillet dernier. Ce jour-là, ses propres troupes, drapeaux en main, bloquent désormais officiellement Latchine, accusant la Croix-Rouge de «contrebande» à l’occasion de ses livraisons d’aide humanitaire au Haut-Karabakh. L’organisation nie farouchement l’accusation, en effet de mauvaise foi puisque l’Azerbaïdjan prend pour prétexte les méfaits de quatre chauffeurs extérieurs à la Croix-Rouge qui, dans leurs véhicules personnels, ont tenté de faire passer «des marchandises commerciales» au Haut-Karabakh, bien sûr à l’insu de l’institution humanitaire qui a aussitôt mis fin à leurs contrats.

Mais, pour avoir tenté de réaliser un profit dérisoire, ces quatre malfaiteurs se voient toujours moins punis que le sont les Arméniens du Haut-Karabakh. Le territoire arménien en terre d’Azerbaïdjan se trouve désormais soumis à un blocus total, contraint à un rationnement de la nourriture et du gaz, et tout transfert médical d’urgence de patients vers Erevan est devenu impossible. Après avoir vaincu l’Arménie par les armes conventionnelles, l’Azerbaïdjan use désormais sans complexe contre les Arméniens de l’arme ultime, plus impitoyable encore que l’arme nucléaire qui abrégerait en quelques secondes les souffrances de celles et ceux qu’elle frapperait – l’arme de la faim.

Sous peu, le monde entier s’indigne. Fin août, un convoi humanitaire emmené par plusieurs élus politiques français de diverses tendances idéologiques, à l’exception notable et habituelle de l’extrême droite, se présente à Latchine en tentant de faire route vers le Haut-Karabakh. Pas de surprise – refoulé. Depuis l’Arménie, les dirigeants d’un think tank en appellent à la mise en place d’un pont aérien, à l’image de celui créé par les Alliés durant le blocus de Berlin en 1949. Fait exceptionnel, encore plus depuis le début de l’invasion de l’Ukraine en février 2022, Washington et Moscou se voient unanimes dans leur demande à Bakou en vue d’une levée du blocus du corridor de Latchine.

Au-delà de la politique, c’est le droit qui ne tarde pas à se manifester, le droit international pénal qui sait tout ce que le nom de l’Arménie signifie pour lui et pour son histoire.

D’un litige sur la souveraineté d’un territoire donné, le conflit prend soudain un goût amer de déjà-vu. Entre les Azerbaïdjanais descendants des Ottomans d’avant la Première Guerre Mondiale et les Arméniens victimes du génocide ottoman en 1915, c’est maintenant le souvenir du génocide qui se rallume dans les esprits, en Arménie et au Haut-Karabakh bien sûr mais, plus encore, dans le reste du monde.

Ronald Suny, professeur de science politique à l’Université du Michigan, cité par CNN, déclare : «Maintenant qu’il a gagné la guerre de 2020 contre l’Arménie, l’Azerbaïdjan a pour but ultime de chasser les Arméniens d’Artsakh hors de l’Azerbaïdjan. Mais plutôt que de recourir directement à la violence, qui susciterait les condamnations à l’étranger, Bakou est décidée à rendre la vie impossible aux Arméniens, les affamer et faire pression sur eux pour qu’ils partent». Pour l’International Association of Genocide Scholars (IAGS), aucun doute, le blocus du Haut-Karabakh engendre un risque de génocide.

Quant à Luis Moreno Ocampo, le premier Procureur de la Cour pénale internationale à sa création en 2002, dans une Opinion d’Expert datée du 7 août, il monte encore d’un cran en écrivant d’entrée «Il est en train de se produire un génocide contre 120 000 Arméniens vivant au Nagorno-Karabakh, également connu sous le nom d’Artsakh».

Sur le blog Social Europe, le spécialiste gréco-arménien des relations internationales George Meneshian appelle enfin l’Europe à «se réveiller» à la réalité du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, sous peine de devenir «complice de génocide».

Vouloir vaincre son adversaire en affamant sa population civile, c’est déjà en soi inhumain et lâche, surtout lorsqu’une victoire militaire nette vous place en position de force pour négocier un accord de paix. De la part de l’Azerbaïdjan, pourtant, ce n’est même pas le pire. Parler de génocide, c’est parler de la volonté d’exterminer un peuple, et qui parle d’exterminer un peuple parle d’une notion simple et claire – le racisme.

Capture d’écran de Nor Haratch, publication en ligne arménienne basée en France.

Contre le racisme envers les Arméniens d’Azerbaïdjan, l’arme du droit

Dans son argumentaire expert de vingt-huit pages, Luis Moreno Ocampo, montrant qu’il se souvient que la juridiction dont il a été le premier procureur est née de l’expérience aussi douloureuse qu’indispensable des Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et le Rwanda (TPIR), cite une abondance jurisprudence de l’un et de l’autre pour établir que, parce que le génocide ne s’avoue jamais, il peut et doit donc se déduire des actes du génocidaire, actes qu’il écrit reconnaître dans le blocus par l’Azerbaïdjan du corridor de Latchine.

Mais le magistrat sait aussi mettre un nom sur le premier mal qui frappe les Arméniens, sur la première faute de l’Azerbaïdjan, sur les premiers fondements de cette guerre de la faim. Un mal «prenant naissance dans l’esprit des hommes», dans les mots de l’Acte constitutif de l’UNESCO, tout comme le droit prend naissance dans l’esprit de l’être humain et, selon l’adage romain, ubi societas, ibi jus, là où il y a la société, il y a le droit. Et dans une société où sévit, voire règne, le racisme, il faut bien qu’il y ait le droit, celui de la Société Humaine Universelle que définit Olivier de Frouville, contre celui de la Société des Etats Souverains qu’il lui oppose et qui, comme jadis par exemple en Afrique du Sud, peut décider que le racisme est loi.

Bien que l’Arménie revendique le Haut-Karabakh et que la République d’Artsakh se veuille arménienne, techniquement et juridiquement parlant, les Arméniens du Haut-Karabakh demeurent des habitants de l’Azerbaïdjan, derrière le corridor de Latchine qui, sous blocus, ne peut plus jouer son rôle de lien terrestre unique avec l’Arménie. Derrière la rhétorique guerrière de Bakou et l’exemple qu’elle constitue de «création de l’ennemi» au sens que lui donne John Paul Lederach, ce que voient les instances internationales, à commencer par l’ONU, c’est bel et bien du racisme, celui des Azéris majoritaires en Azerbaïdjan contre les Arméniens de ce même pays qui demeurent, aux yeux de la communauté internationale, des Azerbaïdjanais. Et sur le racisme que subissent ces Azerbaïdjanais arméniens de la part de leurs compatriotes azéris, ce ne sont ni les faits ni les réactions qui manquent.

Le 21 avril 2023, le Représentant permanent de l’Arménie auprès du Siège des Nations Unies écrivait au Secrétaire Général, Antonio Guterres, en rappelant l’un des épisodes les plus tragiques de l’histoire des Arméniens d’Azerbaïdjan. Il parlait du massacre de Soumgaït, ville où, alors que l’Arménie soviétique commençait à revendiquer le Haut-Karabakh, un pogrom azéri avait décimé la population arménienne locale, causant des dizaines de morts, encore plus de blessés, des viols, des pillages et des destructions, toujours contre les mêmes – les Arméniens. Il rappelait les multiples condamnations de l’Azerbaïdjan, morales ou judiciaires, de la part des instances internationales, établissant un lien entre Soumgaït et la haine raciale contemporaine contre les Arméniens.

Et de la part de Erevan, il ne s’agissait pas de lawfare, de cette guerre judiciaire que l’on mène lorsque les armes n’ont pu vous apporter la victoire. Le racisme d’Etat azerbaïdjanais contre les Arméniens n’est pas une simple proclamation politique ; il est une réalité de terrain, et pour Bakou, il s’est mué en une excuse commode pour employer une arme sale, l’arme de la faim, contre le Haut-Karabakh.

Le 7 décembre 2021, à peine plus d’un an après la reprise des combats et la défaite arménienne, la Cour internationale de Justice statuait, saisie par l’Arménie, sur une demande de mesures conservatoires pour le respect de la Convention internationale sur l’Élimination de Toutes les Formes de Discrimination raciale (CIEDR), Erevan demandant à la Cour d’ordonner à l’Azerbaïdjan de changer d’attitude

«— en s’abstenant de se livrer à des pratiques de nettoyage ethnique contre les Arméniens ;

— en s’abstenant de commettre, de glorifier, de récompenser ou de cautionner des actes de racisme contre les Arméniens, y compris les prisonniers de guerre, les otages et d’autres détenus ;

— en s’abstenant de tenir ou de tolérer des discours haineux visant les Arméniens, y compris dans les ouvrages pédagogiques ;

— en s’abstenant de bannir la langue arménienne, de détruire le patrimoine culturel arménien ou d’éliminer de toute autre manière l’existence de la présence culturelle historique arménienne, ou d’empêcher les Arméniens d’avoir accès à celle‑ci et d’en jouir ;

— en punissant tout acte de discrimination raciale contre les Arméniens, qu’il soit commis dans la sphère publique ou privée, y compris lorsqu’il est le fait d’agents de l’État ;

— en garantissant aux Arméniens, y compris les prisonniers de guerre, les otages et d’autres détenus, la jouissance de leurs droits dans des conditions d’égalité ;

— en adoptant la législation nécessaire pour s’acquitter des obligations que lui fait la CIEDR ;

— en garantissant aux Arméniens un traitement égal devant les tribunaux et tout autre organe administrant la justice ainsi qu’une protection et une voie de recours effectives contre les actes de discrimination raciale ;

— en s’abstenant d’entraver l’enregistrement et les activités des ONG et d’arrêter, de détenir et de condamner les militants des droits de l’homme ou toute autre personne œuvrant pour la réconciliation avec l’Arménie et les Arméniens; et

— en prenant des mesures efficaces pour combattre les préjugés contre les Arméniens et des mesures spéciales pour assurer comme il convient le développement de ce groupe».

Dans sa décision, la Cour internationale de Justice avait finalement estimé que

«1) La République d’Azerbaïdjan doit, conformément aux obligations que lui impose la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale,

a) Par quatorze voix contre une,

Protéger contre les voies de fait et les sévices toutes les personnes arrêtées en relation avec le conflit de 2020 qui sont toujours en détention et garantir leur sûreté et leur droit à l’égalité devant la loi ;

b) A l’unanimité,

Prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher l’incitation et l’encouragement à la haine et à la discrimination raciales, y compris par ses agents et ses institutions publiques, à l’égard des personnes d’origine nationale ou ethnique arménienne ;

c) Par treize voix contre deux,

Prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher et punir les actes de dégradation et de profanation du patrimoine culturel arménien, notamment, mais pas seulement, les églises et autres lieux de culte, monuments, sites, cimetières et artefacts ;

2) A l’unanimité,

Les deux Parties doivent s’abstenir de tout acte qui risquerait d’aggraver ou d’étendre le différend dont la Cour est saisie ou d’en rendre le règlement plus difficile».

La haute juridiction onusienne reconnaissait ainsi que la question du Haut-Karabakh n’était pas, ou n’était plus, seulement celle de la souveraineté sur ce territoire de l’un ou de l’autre des deux pays qui le réclamait. Il s’agissait bien, au-delà d’une simple dispute territoriale, de racisme.

Et comme le relève Luis Moreno Ocampo dans son Opinion d’Expert, le 22 septembre 2022, dans ses Observations finales concernant le rapport de l’Azerbaïdjan valant dixième à douzième rapports périodiques, le Comité CIEDR fustigeait le pays pour «[l’]incitation à la haine raciale et la propagation de stéréotypes racistes à l’encontre de personnes d’origine nationale ou ethnique arménienne, notamment sur Internet et dans les médias sociaux, ainsi que par des personnalités publiques et des hauts responsables, et le manque d’informations détaillées sur les enquêtes, les poursuites, les déclarations de culpabilité et les sanctions liées à de tels actes». Une constante de racisme par trop voyante pour que Bakou puisse réduire le blocus du Haut-Karabakh à une simple protestation d’écologistes ou, aujourd’hui, à une mesure devant empêcher la contrebande, excuses si faciles qu’elles en deviennent insultantes.

Notre époque a appris, et Luis Moreno Ocampo a bien compris que c’était là qu’il fallait frapper d’entrée, à oublier les génocides, du moins à les minimiser. Là où jadis, l’évocation de la Shoah juive, du Samudaripen rom ou, justement, du génocide arménien amenait une autorité morale au propos tenu, aujourd’hui, sous prétexte de «point Godwin», il devient quasi disqualifiant d’y faire référence. Admettons, entendu, soulever un génocide, c’est un pathos alarmiste. Mais alors, que dire de l’effroyable niveau de racisme contre les Arméniens constaté et condamné plus d’une fois par l’ONU en Azerbaïdjan, sinon qu’il est la meilleure preuve que le blocus du corridor de Latchine représente, si ce n’est un génocide en soi, du moins son ultime prélude ?

Une certaine conception de l’humanité mise à l’épreuve

S’il s’était parfois mis dans la peau des losers, comme dans Je m’voyais déjà, Poker et Je ne peux pas rentrer chez moi, Charles Aznavour chantait aussi pour dénoncer l’injustice, chantant Comme ils disent en 1972 alors que l’homosexualité est en France réprimée comme un délit, Mourir d’aimer sur l’affaire Gabrielle Russier et Les émigrants en pleine ascension du Front National et de ses thèses xénophobes. Légitime à écrire et produire Pour toi Arménie, il ne l’était pas du seul fait d’être arménien d’origine mais parce que son travail d’artiste parlait pour lui. Autrement, qui sait si l’initiative aurait rencontré le même succès ?

De même que Pour toi Arménie n’avait rien d’un phénomène «de fait», ici le fait d’un chanteur français d’origine arménienne, il n’existe aucune paix «de fait» après un conflit, la paix se construisant, sinon avant la fin des hostilités, du moins dès qu’elle intervient puis sans cesse jusqu’à ce que les belligérants comprennent qu’un accord, ou traité, formel doit sceller pour toujours leur bonne volonté et ouvrir la voie à l’avenir. Ce travail réalisé en 1994, l’offensive azerbaïdjanaise de 2020 serait devenue bien moins probable, et avec elle, cette guerre de la faim d’aujourd’hui.

En Ukraine se joue la survie d’une certaine conception du droit international, celle qui veut que l’agresseur ne soit pas récompensé de sa conduite contre l’agressé, sanctions de divers ordres à l’appui contre Moscou. Plus au nord, au Haut-Karabakh, l’enjeu n’a pas besoin pour se définir d’un manuel de droit. Lorsque l’arme choisie contre l’ennemi désigné est la faim, c’est bien une certaine conception de l’humanité qui est mise à l’épreuve, une conception qui transcende les frontières des États, qu’elles soient ou non reconnues par les autres États, une conception qui accorde toute sa valeur au droit, même s’il ne produit pas d’effet immédiat car il n’en incarne pas moins les principes qui guident une conscience. Cette conception, soit le monde agit pour la défendre au Haut-Karabakh, soit il s’expose à ce qu’elle ne soit plus garantie nulle part.

Bernard J. Henry est Officier des Relations Extérieures de l’Association of World Citizens.

Ukraine and the Cluster Bombs Debate

In Conflict Resolution, Current Events, Europe, Humanitarian Law, NGOs, Solidarity, The former Soviet Union, The Search for Peace, Track II, UKRAINE, World Law on July 12, 2023 at 7:16 AM

By René Wadlow

Currently, there is at the highest foreign policy-making level in the USA a debate concerning the United States (U.S.) sending cluster bombs to Ukraine to support the ongoing counteroffensive. The Ukraine military forces have used most of the cluster bombs they had. It would take a good bit of time to manufacture new cluster weapons. Hence the request for cluster munitions from the U.S.A. However, cluster weapons have been outlawed by a Cluster Weapons Convention signed by many states.

In a remarkable combination of civil society pressure and leadership from a small number of progressive states, a strong ban on the use, manufacture and stocking of cluster bombs was agreed by 111 countries in Dublin, Ireland on May 30, 2008. However, bright sunshine casts a dark shadow. In this case, the dark shadow is the fact that the major makers and users of cluster munitions were deliberately absent from the agreement: Brazil, China, India, Israel, Pakistan, Russia, and the U.S.A.

As arms negotiations at the United Nations (UN) go, the cluster bomb ban has been swift. They began in Oslo, Norway in February 2007 and were often called the “Oslo Process.” The negotiations were a justified reaction to their wide use by Israel in Lebanon during the July-August 2006 conflict. The UN Mine Action Coordination Center working in southern Lebanon reported that their density there is higher than in Kosovo and Iraq, especially in built-up areas, posing a constant threat to hundreds of thousands of people as well as to UN peacemakers. It is estimated that one million cluster bombs were fired in south Lebanon during the 34 days of war, many during the last two days of war when a ceasefire was a real possibility. The Hezbollah militia also shot rockets with cluster bombs into northern Israel.

Cluster munitions are warheads that scatter scores of smaller bombs. Many of these sub-munitions fail to detonate on impact, leaving them scattered on the ground, ready to kill and maim when disturbed or handled. Reports from humanitarian organizations have shown that civilians make up the vast majority of the victims of cluster bombs, especially children attracted by their small size and often bright colors.

The failure rate of cluster munitions is high, ranging from 30 to 80 per cent. But “failure” may be the wrong word. They may, in fact, be designed to kill later. The large number of unexploded cluster bombs means that farmlands and forests cannot be used or used with great danger. Most people killed and wounded by cluster bombs in the 21 conflicts where they have been used are civilians, often young. Such persons often suffer severe injuries such as loss of limbs and loss of sight. It is difficult to resume work or schooling.

Discussions on a ban on cluster weapons had begun in 1979 during the negotiations in Geneva which led to the 1980 “Convention on Prohibition on the Use of Certain Conventional Weapons which May be Deemed to be Excessively Injurious or to Have Indiscriminate Effects.” The indiscriminate impact of cluster bombs was raised by the representative of the Quaker United Nations Office in Geneva and by myself for the Association of World Citizens. My Nongovernmental Organization text of August 1979 “Anti-Personnel Fragmentation Weapons” called for a ban based on the 1868 St. Petersbourg Declaration and recommended the creation of “permanent verification and dispute-settlement procedures which may investigate all charges of the use of prohibited weapons whether in inter-State or internal conflicts and that such a permanent body include a consultative committee of experts who could begin their work without a prior resolution of the UN Security Council.”

At the start of the review conference of the “Convention on Prohibition on the Use of Certain Conventional Weapons” then UN Secretary-General Kofi Annan called for a freeze on the transfer of cluster munitions – the heart of the current debate on U.S. transfers of cluster weapons to Ukraine.

There was little public outcry at the use by Ukrainian forces of cluster weapons since they were fighting against a stronger enemy. However, the debate in the U.S.A. may raise the awareness of the use of cluster weapons and lead to respect for the aim of the cluster weapon ban.

Prof. René Wadlow is President of the Association of World Citizens.

June 4: Memories of Tiananmen Square

In Asia, Being a World Citizen, Democracy, Europe, Human Rights, NGOs, Nonviolence, Solidarity, The former Soviet Union, Track II on June 4, 2023 at 4:55 PM

By René Wadlow

June 4 makes the security forces in China somewhat uneasy, especially in Hong Kong where, in the past, there were large memorial meetings to remind people of June 4, 1989, when the military and police moved against those who had been protesting publicly for over a month. Students from colleges and universities in China’s capital initiated protests after the death of the former General Secretary of the Communist Party, Hu Yaobang, on April 15, 1989 who was considered a liberal reformer. The movement then spread over a number of weeks to most of the major cities. Students made numerous demands, among them were calls for an end to government corruption, increased funding for education, and freedom of the press. As the movement went on, students were increasingly joined by industrial workers.

There were differences of opinion within the ruling government circle as to how to deal with the protests. As the protests continued, there was more and more international media attention, especially as there were an increasing number of journalists in Beijing in advance of the visit of the Soviet leader, Mikhail Gorbachev, with a large delegation of Soviet officials.

(C) Jeff Widener/Associated Press

Students and intellectuals started writing petitions setting out demands that were signed by more and more people. The decentralized structure of power and decision-making among groups in Tienanmen Square allowed for tactical innovation as each group was free to act as it desired and stress the symbols it wanted. Thus, art school students created the Goddess of Democracy, largely based on the Statue of Liberty in New York harbor. The growth in support for the student-led protests led the more anti-reformist faction in the government to order a crackdown by the military and the police. The tanks started to move into Tiananmen Square.

Since June 1989 there have been reforms within China – what we might call “democratization from below” but without large scale, highly visible public protests. ‘Stability’ and ‘harmony’ have been the stated government policy aims, colored by the breakup of the Soviet Union and fundamental changes in Eastern Europe. So, democratization needs to proceed quietly and gradually. Such democratization requires long-term vision and skillful leadership. Democratization is basically linked to individualization, to an ever-larger number of people thinking for themselves, creating their own lifestyles and ‘thinking outside the box’. It can be a slow process and repressive forces within the government watch events closely. However, it is likely that the direction of individualism is set and cannot be reversed.

Prof. René Wadlow is President of the Association of World Citizens.

UN Highlights Rape as a War Weapon in Ukraine

In Being a World Citizen, Conflict Resolution, Current Events, Europe, Human Rights, Humanitarian Law, International Justice, NGOs, Solidarity, The former Soviet Union, The Search for Peace, UKRAINE, United Nations, War Crimes, Women's Rights, World Law on November 16, 2022 at 8:41 AM

By René Wadlow

Pramila Patten, the United Nations (UN) Human Rights Council Special Rapporteur on sexual violence in times of conflict reported mid-October 2022 that rape is increasingly used in the armed conflict in Ukraine as a weapon to humiliate and discourage the populations. There had been an earlier September 27 report to the High Commissioner for Human Rights setting out many of the same facts and calling for international action.

In the past, sexual violence had often been dismissed as acts of individual soldiers, rape being one of the spoils of war for whom rape of women was an entitlement. However, with the 2001 trials of war crimes in former Yugoslavia by the International Criminal Tribunal for ex-Yugoslavia, the first convictions of rape as a crime against humanity and violations of the laws or customs of war were handed down against Bosnian Serb soldiers. Bosnian Serb fighters were charged with mass rape and forced prostitution involving dozens of Muslim women and girls, some only 12 years old. The case had taken five years of investigations and more than 30 witnesses for the prosecution. The three soldiers being tried were given a sentence of 12 years imprisonment.

Since then, we have seen patterns of systematic rape become part of International Humanitarian Law, and since 2002 one of the crimes that can be prosecuted within the International Criminal Court. (1)

There have been reports of systematic rape in Ukraine since 2014 with the creation of the People’s Republics of Donetsk and Luhansk by both Ukrainian and separatist soldiers. However, little international attention was given to these reports. It is only with the invasion of Ukraine by Russian troops on February 24, 2022 that international attention has focused on reports of rape especially in areas that were for a time under the control of the Russian military or the militias of the two People’s Republics. (2)

Unfortunately, it would seem that the armed conflict in Ukraine will drag on. There are few signs of a willingness for a negotiated settlement. International Humanitarian Law moves slowly. Rape as a war weapon is used in other armed conflicts such as those in the Democratic Republic of Congo, Darfur, Sudan, and Syria. Strong nongovernmental pressure is needed to keep governmental and UN efforts going on.

Notes

1) For a good overview of both specific armed conflicts and the slow but steady international response, see Carol Rittner and John K. Roth (Eds), Rape: Weapon of War and Genocide (St. Paul, MN: Paragon House, 2012)

2) See Amnesty International “Ukraine 2021”: http://www.amnesty.org, Secretary-General’s Report, Organization for Security and Cooperation in Europe, http://www.osce.org

Prof. René Wadlow is President of the Association of World Citizens.

Saber Rattling With Nuclear Weapons

In Being a World Citizen, Conflict Resolution, Current Events, Europe, NGOs, Solidarity, The former Soviet Union, The Search for Peace, Track II, UKRAINE, United Nations, World Law on September 27, 2022 at 7:21 AM

By René Wadlow

On September 21, the United Nations (UN)-designated Day of Peace, Vladimir Putin, President of the Russian Federation, said in an address to the nation,

“I am addressing you – all citizens of our country, people of different generations, ages and ethnicities, the people of our great Motherland, all who are united by the great historical Russia, soldiers, officers and volunteers who are fighting on the frontline and doing their combat duty, our brothers and sisters in the Donetsk and Lugansk People’s Republics, Kherson and Zaporazhye regions and other areas that have been liberated from the neo-Nazi regime.”

He set out the dangers facing the Federation,

“The goal of that part of the West is to weaken, divide and ultimately destroy our country. They are saying openly now that in 1991 they managed to split up the Soviet Union and now is the time to do the same to Russia, which must be divided into numerous regions that would be at deadly feud with each other … Washington, London and Brussels are openly encouraging Kiev to move hostilities to our territory. They openly say that Russia must be defeated on the battlefield by any means, and subsequently deprived of political, economic, cultural and any other sovereignty and ransacked.”

To meet these challenges, he ordered a “partial mobilization in the Russian Federation to defend our Motherland and its sovereignty and territorial integrity, and to ensure the safety of our people and people in the liberated territories.” Sergey Shoigu, the Russian Defense Minister, set out the details in a public statement just after Putin’s address. The mobilization will call up men below the age of 65 who have had military service. There are some 300,000 people in this category.

The nuclear saber rattling followed. Putin went on,

“I am referring to the statements made by some high-ranking representatives of the leading NATO countries on the possibility and admissibility of using weapons of mass destruction – nuclear weapons against Russia … In the event of a threat to the territorial integrity of our country and to defend Russia and our people, we will certainly use all weapon systems available to us. This is not a bluff.”

He ended by saying, “The citizens of Russia can rest assured that the territorial integrity of our Motherland, our independence and freedom will be defended – I repeat – by all the systems available to us.”

What makes the current situation more ambiguous and dangerous is that Vladimir Putin announced and confirmed by Sergey Shoigu that from September 23 to 27, 2022, there would be referendums in the Donetsk and Lugansk People’s Republics and in the areas under Russian control in the Kherson and Zaporazhye regions on joining the Russian Federation. People who are refugees in Russia from these areas will also be able to vote. A vote favorable to joining Russia is not in doubt. Thus, any future military operations by Ukraine forces in these areas could be considered by Russia as an attack on Russian territory.

It is impossible to know to what extent the nuclear weapon saber rattling is serious and goes beyond a justification for the mobilization of former military – not a popular policy. The situation calls for active efforts to decrease tensions on the part of the UN, national governments, and Nongovernmental Organizations. The next weeks may be crucial.

Prof. René Wadlow of the President of the Association of World Citizens.

Lifting the Odessa Blockade

In Being a World Citizen, Conflict Resolution, Current Events, Democracy, Europe, Human Rights, Humanitarian Law, NGOs, Solidarity, The former Soviet Union, The Search for Peace, Track II, UKRAINE, United Nations on June 6, 2022 at 3:19 PM

By René Wadlow

The Association of World Citizens (AWC) urges action to lift the blockade on Odessa and other Black Sea ports so that grain and other food resources can resume to flow. Ukraine has a vast agricultural base producing 46 percent of the world’s sunflower exports and 10 percent of the world’s wheat exports. The Middle East and Africa are Ukraine’s food export market. Odessa has a large grain terminal in which vast quantities of food exports are now stuck. It is not physically possible to transport large quantities of grain by rail and road.

Odessa’s port, peaceful and flourishing, before the Russian invasion. (C) Raymond Zoller

In part due to this blockade, food prices for grain have risen some 20 percent, hitting especially the poor. In some parts of Africa, due to climate conditions and armed conflict, there are near famine conditions. New food supplies are urgent.

A Ukrainian family evacuated from Mariupol. (C) Lynsey Addario for The New York Times

Russian authorities have said that they were ready to provide a humanitarian corridor for ships carrying food, but only in return for the lifting of U. S. and Western European sanctions. However, the Western sanctions have a multitude of sources. The lifting of the Odessa blockade and renewed grain shipments must be treated as a single issue, although it is obviously colored by the whole armed conflict.

There are diplomatic efforts underway led by the African Union and the United Nations. It is urgent that speedy progress be made. Nongovernmental organizations may be able to play a creative role as many NGOs are already involved in ecologically-sound development projects in areas under agricultural and food stress. The AWC, concerned with the resolution of armed conflicts through negotiations in good faith, appeals for creative diplomatic measures so that the blockade is ended as soon as possible.

Prof. René Wadlow is President of the Association of World Citizens.