LES CITOYENS DU MONDE APPELLENT A UNE FIN IMMEDIATE
DES HOSTILITES ENTRE ISRAEL ET LE HAMAS
ET A UN EFFORT VERITABLE DE CONSTRUCTION DE LA PAIX
POUR LE MOYEN-ORIENT
L’AWC, Organisation Non-Gouvernementale dotée du Statut Consultatif auprès de l’ONU et active à ce titre au sein du Conseil des Droits de l’Homme, est profondément alarmée de la dernière flambée de violence entre les milices armées du Mouvement de la Résistance islamique palestinien (Hamas) et les Forces de Défense israéliennes (Tsahal). Plus encore, nous sommes consternés des conséquences des attaques délibérées, perpétrées par les deux côtés, contre les droits des civils en Israël et dans la Bande de Gaza.
Depuis les attaques lancées par ses forces au petit matin du 7 octobre, le Hamas prend pour cible des civils en Israël, étant allé jusqu’à capturer des citoyens israéliens, tant civils que soldats de Tsahal, pour les garder en otage. La cause légitime d’un peuple privé de longue date de sa propre terre, cause que même l’ONU reconnaît comme légitime sur le plan international, ne saurait être servie dans la dignité par de telles méthodes qui s’inscrivent en faux contre le droit international.
Le gouvernement actuel d’Israël n’a fait que repousser les limites du mépris pour ce même droit international, à travers des déclarations et mesures répétées et insistantes visant à la discrimination systématique contre le peuple palestinien dans les Territoires palestiniens occupés (TPO). A l’intérieur même des frontières internationalement reconnues d’Israël, le gouvernement israélien actuel a également semé les graines de la discorde et de l’affrontement politique en tentant d’amoindrir les prérogatives du pouvoir judiciaire et, ce faisant, de mettre fin à la tradition de démocratie épaulée de contrepouvoirs qui est celle d’Israël.
Cette conduite mal inspirée s’avère nuisible tant au peuple palestinien qu’aux citoyens d’Israël. Elle crée à présent un chaos nouveau dans la région qui revient, selon les termes du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, à une menace contre la paix et la sécurité internationales. La situation risque de s’aggraver encore maintenant que le Hezbollah, notoirement soutenu par l’Iran, vient en dépit de toute sagesse de rejoindre le combat depuis le sud du Liban.
Une fois de plus, les droits des civils en Israël et dans la Bande de Gaza sont réduits à l’état de victimes de la haine et de la violence qu’ont déchaîné les deux côtés en l’absence d’un effort international, faisant cruellement défaut mais se voyant constamment refusé, pour résoudre le conflit du Moyen-Orient en s’attaquant à ses causes premières mêmes, au nombre desquelles l’exigence de justice qui est celle du peuple palestinien et le besoin de sécurité qui est celui de l’Etat d’Israël.
En conséquence, l’AWC réitère son appel à la fin immédiate des hostilités en Israël et dans la Bande de Gaza. Nous appelons également à la libération de toute personne, qu’il s’agisse d’un civil ou d’un militaire, prise en otage par le Hamas.
Nous en appelons de surcroît à la communauté internationale pour enfin entreprendre un effort authentique de construction de la paix en Israël et dans les TPO, ce en prenant pleinement en compte les causes premières du conflit et en faisant droit comme il convient à la légitime revendication du peuple palestinien pour la justice ainsi qu’à la revendication tout aussi légitime du peuple israélien pour la sécurité.
AND FOR A GENUINE PEACEBUILDING EFFORT IN THE MIDDLE EAST
The AWC, a Nongovernmental Organization in Consultative Status with the United Nations (UN) and accredited with the UN Human Rights Council, is deeply alarmed at the latest flare of violence between the armed militias of the Palestinian Islamic Resistance Movement (Hamas) and the Israeli Defense Force (IDF). Most importantly, we are appalled at the consequences of the deliberate attacks from both sides on the rights of civilians in Israel and the Gaza Strip.
Since the attacks launched by its forces in the early morning of October 7, Hamas has been targeting civilians in Israel, even capturing Israeli citizens, both civilians and IDF soldiers, to keep them as hostages. The legitimate cause of a people long deprived of their own land, a cause that even the UN recognizes as internationally legitimate, cannot be served in dignity by such methods that run counter to international law.
The current government of Israel has been constantly pushing the limits of disregard for the same international law, through repeated and insistent statements and practices aiming at systematic discrimination against the Palestinian people in the Occupied Palestinian Territory (OPT). Within the internationally recognized borders of the State of Israel, the current Israeli Government has also sowed the seeds of discord and political strife by trying to lessen the powers of the judicial branch and, in so doing, to end Israel’s tradition of democracy with checks and balances.
This misguided conduct has proved harmful to both the Palestinian people and the citizenry of Israel. It is now creating new chaos in the region amounting to, in the very words of Chapter VII of the UN Charter, a threat to international peace and security. The situation could get even worse as Hezbollah, notoriously backed by Iran, has now unwisely joined the fight from South Lebanon.
Once more, the rights of civilians in Israel and the Gaza Strip are falling victim to the hatred and violence unleashed by both sides in the absence of a badly needed but constantly denied international effort to tackle the Middle East conflict right from its root causes, including the Palestinian people’s demand for justice and the State of Israel’s need for security.
Consequently, the AWC reiterates its call for an immediate end to hostilities in Israel and the Gaza Strip. We also call for the release of every person, civilian or military, taken hostage by Hamas.
We further urge the international community to finally undertake a genuine peacebuilding effort in Israel and the OPT by addressing the root causes of the conflict and duly acting on the legitimate claim of the Palestinian people for justice and the equally legitimate claim of the Israeli people for security.
With the United Nations (UN) General Assembly starting on September 19, there is a good deal of reflection among governments and Nongovernmental Organizations (NGOs) as to the effectiveness of the UN to meet the challenges facing the world community.
In 1992, the then Secretary-General, Boutros Boutros-Ghali, outlined a post-Cold War Agenda for Peace. He built his Agenda on four key pillars for UN action: Preventive Diplomacy, Peacemaking, Peacekeeping, and Post-conflict Peacebuilding. Today, these four pillars remain the heart of UN action. What is new from 1992 is the increased role of NGOs and potentially of the international business community, both in preventive diplomacy and post-conflict peacebuilding.
Preventive diplomacy is the more important and requires creative action when there are signs of tensions which can develop into armed conflict unless preventive measures are taken on a variety of fronts. There were at least four months of protests and nonviolent efforts in Syria before the armed violence and counterviolence exploded. This period might have been used to see if needed reforms could be put into place.
(C) Basil D. Soufi/GPA Photo Archive
Likewise, signs of growing tensions between the Russian Federation and Ukraine were visible to many prior to the Russian attack. There had been the “Normandy Effort” – Russia, Ukraine, France, and Germany. There was no visible UN leadership and few NGO efforts to build on this mediation effort to create new constitutional structures within Ukraine.
Today, there are other tension situations that require preventive action: India-China frontier disputes, South China Sea delimitation issues, China-Taiwan tensions, increasing tensions within Myanmar which are already violent but can easily spread if things continue as they are going, the struggle for power in Sudan, and increased Israeli-Palestinian tensions.
For NGOs concerned with peacemaking, there is a need to create mediation teams which can act quickly and have already developed avenues of communication with the authorities, media, and significant actors in those countries where tensions are growing. The winds of violence usually give signs before they are full blown. Creative preventive diplomacy is urgently needed.
Prof. René Wadlow is President of the Association of World Citizens.
«Bâtir des châteaux en Espagne», que signifie cette expression devenue quelque peu désuète en français ? Elle désigne une personne qui se crée des rêves et des projets chimériques, qu’il ne lui sera jamais possible d’atteindre. L’expression remonterait au seizième siècle, se référant au manque de châteaux dans la péninsule ibérique où, après la Reconquista de 1492, ceux-ci avaient été détruits afin que les Maures, l’ennemi musulman chassé et rêvant de revanche comme le met en scène Corneille dans Le Cid, ne puisse en cas d’invasion les prendre et en faire des places fortes. Depuis lors, «bâtir des châteaux en Espagne» désigne ce qu’il est absurde d’envisager et ne peut exister.
Si l’Espagne est le lieu, au théâtre, des exploits du jeune Don Rodrigue, avant même Corneille et depuis l’Espagne même puisque Guillén de Castro avait écrit avant lui Les Enfances du Cid (Las Mocedades del Cid), elle est aussi celui, en littérature, de l’épopée de deux autres seigneurs, deux «Don», aux ambitions bien opposées.
En ce même dix-septième siècle, Tirso de Molina écrivait El Burlador de Sevilla y convidado de piedra, L’Abuseur de Séville et le convive de pierre, première évocation de Don Juan, séducteur sans scrupule, qui se vit par la suite transposé sur scène par Molière dans Dom Juan ou le festin de pierre puis à l’opéra par Mozart dans Don Giovanni.
C’est aussi l’époque où Miguel de Cervantes rédige son El ingenioso hidalgo don Quijote de la Mancha, L’Ingénieux Don Quichotte de la Mancha, où un hidalgo de basse noblesse se décrète chevalier du Moyen Age et décide de parcourir l’Espagne pour faire justice – fût-ce au prix de l’absurde et du ridicule, comme lorsqu’il décide de s’attaquer à des moulins à vent qu’il prend pour des géants.
En 1965, les Américains Dale Wasserman, Joe Darion et Mitch Leigh créèrent à partir du même personnage une comédie musicale intitulée Man of La Mancha (L’homme de la Mancha). Cervantes lui-même y est mis en scène et Don Quichotte, voulu par son auteur initial comme la satire d’une société espagnole par trop rigide et passéiste, devient un homme noble de naissance mais aussi d’esprit, porté par une «quête» qui le pousse à rechercher «l’inaccessible étoile». Portée à l’écran en 1972 par Arthur Hiller puis adaptée en français par Jacques Brel, la comédie musicale deviendra surtout connue pour sa chanson-phare La Quête, que reprendront ensuite sur scène plusieurs chanteurs français illustres comme Julien Clerc et Johnny Hallyday. «Tenter, sans force et sans armure, D’atteindre l’inaccessible étoile», je mentirais en disant que je n’y trouve pas une certaine inspiration, voire une inspiration certaine, certains jours de regard courbé – là et, à vrai dire, dans tout le reste de la chanson.
Hélas, depuis plusieurs semaines, les Cid et les Don Quichotte semblent avoir perdu le chemin de Madrid, là où les Don Juan, non pas les losers de la séduction chantés avec dérision par Claude Nougaro mais les vrais, ceux qui jouent des femmes comme d’objets et se voient engloutis par l’enfer – ou, du moins, prennent une sérieuse option sur un aller simple là-bas le jour venu de quitter ce monde, donnent le sentiment amer de retenir désormais toute l’attention de l’Espagne, et avec elle de toute la terre, pour des forfaits autrement plus graves que la séduction impertinente et égoïste d’un grand d’Espagne qui se rêvait aussi pourfendeur de Dieu lui-même.
Luis Rubiales soutenu par Woody Allen : «Il ne l’a pas violée»
Qui dit Coupe du Monde de Football disait jadis compétition, tous les quatre ans, entre des équipes d’hommes. C’était oublier que, depuis 1991, la Fédération internationale de Football Association (FIFA) organise aussi, tous les quatre ans, une Coupe du Monde Féminine de Football, créée en 1970 et donc «officielle» depuis plus de trente ans. Là où les éditions précédentes s’étaient tenues sans susciter grand intérêt chez les médias internationaux, l’édition 2023 a brisé les codes et mis le football féminin pour de bon sur la carte du sport mondial.
Le 20 août, à l’issue du match remporté par l’Espagne, Luis Rubiales, Président de la Royale Fédération espagnole de Football (FREF), vient féliciter l’attaquante Jenni Hermoso mais, sans demander la permission ni y être invité, lui agrippe l’entrejambes et l’embrasse sur les lèvres. La footballeuse confirme n’avoir jamais donné son consentement, ce qui fait du baiser forcé de Luis Rubiales une agression sexuelle.
Après les Américaines victorieuses en 2019, là où leurs homologues masculins ne rencontrent guère de succès lors des rencontres internationales, ce sont les Espagnoles qui ont remporté la Coupe cette année, en vainquant les Anglaises qui jouaient, sinon à domicile, du moins à l’intérieur du Commonwealth puisque l’organisation de la Coupe avait été confiée conjointement à l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Mais tout juste derrière l’exploit sportif des Espagnoles se cachait une fin autrement plus dramatique de cette épopée sportive, une fin inadmissible en elle-même, plus encore en cette année 2023 où le film Barbie, érigé en conte philosophique pour les droits des femmes, a bouleversé le monde.
Aussitôt mis en cause, Luis Rubiales balaie toute accusation, se posant en victime de ce qu’il présente comme «un faux féminisme», alors que le monde entier l’a vu et que Jenni Hermoso confirme qu’elle n’était pas consentante. Le 26 août, la RFEF suspend Rubiales de la présidence, qu’il refuse cependant de quitter. En fin de compte, le 10 septembre, Rubiales annonce bel et bien sa démission, à l’issue d’une carrière de dirigeant de la RFEF déjà émaillée de scandales.
Il part non sans avoir reçu, pour son agression sexuelle contre Jenni Hermoso, le soutien de Woody Allen, le célèbre acteur-réalisateur américain lui-même accusé d’abus sexuels sur sa fille adoptive Dylan et qui vient donc affirmer des gestes de Rubiales sur Jenni Hermoso qu’il «ne l’a pas violée». Comme le dit l’expression américaine, With friends like these, who needs enemies?, Avec des amis pareils, on n’a plus besoin d’ennemis !
Isa Balado : «Tu as vraiment besoin de me toucher le cul ?»
A peine l’Espagne et le monde sortaient-ils du scandale Rubiales qu’un nouveau drame se produisait, une fois encore en public et en direct à la télévision. Et le lieu ne pouvait être plus annonciateur puisque l’agression s’est produite à Madrid, Place … Tirso de Molina.
Le 12 septembre, lors de l’émission En Boca de Todos (Tout le Monde en Parle) de la chaîne espagnole Cuatro, la journaliste Isa Balado s’exprimait en extérieur face caméra. Arrivant par derrière, un homme lui a demandé pour quelle chaîne elle travaillait – mais non sans lui avoir, devant la caméra, touché les fesses.
Le présentateur de l’émission a demandé à Isa Balado de confirmer le geste abject de l’importun, ce qu’Isa Balado n’a pu que faire, embarrassée. Après qu’elle a fait remarquer son forfait au coupable, qui l’a nié, elle a ajouté que même lui demander pour quelle chaîne elle travaille n’autorisait pas un tel abus gestuel. «¿De verdad me tienes que tocar el culo?», «Tu as vraiment besoin de me toucher le cul ?» a lancé Isa Balado à son agresseur. Après avoir tenté cette fois de toucher les cheveux d’Isa Balado, qui a tourné la tête pour esquiver le geste, il a fini par s’en aller.
Le scandale fut immédiat, avec des réactions y compris au niveau du Gouvernement, et après un appel de Cuatro à la Police nationale espagnole, l’auteur des attouchements fut rapidement arrêté. Mais rien n’était pourtant réglé.
Malgré le flagrant délit, filmé en direct, le Tribunal de Première Instance N° 54 de Madrid rejeta les réquisitions du parquet qui exigeait l’interdiction pour l’agresseur de communiquer avec sa victime et de s’approcher à moins de trois cents mètres d’elle. Pour le président du tribunal, l’accusé «ne connaissait pas la victime jusqu’au moment des faits», bien qu’il reste à expliquer en quoi ce serait une excuse, et l’agression contre Isa Balado ne constituait pas «une situation de risque, d’urgence, de violence ou d’intimidation contre la journaliste», toute femme dans la rue devant donc selon lui se sentir en sécurité lorsqu’un inconnu vient toucher son corps sans permission ni demande de sa part.
L’affaire ayant été transmise à une autre juridiction pour compétence, les réquisitions du parquet peuvent toutefois encore être acceptées et mises en application. Il n’en demeure pas moins que, même en ce cas, le premier juge saisi aura bel et bien refusé d’agir contre l’auteur d’une agression sexuelle devant des millions de téléspectateurs … Avec tout ce que cela dit d’une société, Amnesty International elle-même qualifiant l’acte de «violation des Droits Humains«, là où un juge nommé par l’Etat et payé par le contribuable pense qu’une femme peut être la Barbie d’un homme non parce qu’elle lui fait comprendre qu’elle a des droits égaux aux siens mais parce qu’il pourrait la toucher tant qu’il le veut, où il le veut, quand il le veut, voire la déshabiller et l’abandonner à son dénuement s’il en trouve une autre plus divertissante.
(C) Amnesty International
Agressées en Espagne pour avoir défendu les prisonnières politiques du Nicaragua
Ces deux affaires ayant eu lieu en Espagne, du moins entre des sujets espagnols, doivent-elles amener à conclure que le pays serait spécialement sexiste ? Deux malfaisants ne représenteront jamais tout un peuple, et bien que l’Espagne reste une société patriarcale comme toutes les sociétés du bassin méditerranéen où cohabitent les cultures chrétienne, juive et musulmane, les réactions fortes du Gouvernement espagnol démontrent que l’impunité en la matière y est révolue.
Le malheur, c’est que le Royaume d’Espagne est une nation de la WENA (Western Europe and North America ; Europe occidentale et Amérique du Nord) qui donne des leçons au monde entier sur les droits des femmes, et si ni l’Espagne entière ni, a fortiori, ses gouvernants ne sont ici en faute, leur attitude ayant justement été la bonne, il suffit de trois Espagnols, dont l’un agissant tout de même comme juge, pour donner le pire des exemples en Espagne même et partout ailleurs au monde.
Et le mauvais exemple a frappé au moins une fois déjà, les victimes en étant des ressortissantes du Nicaragua où Daniel Ortega et Rosario Murillo imposent désormais leur règne sans partage. Le pire, c’est que leurs agresseurs n’étaient pas des agents de l’Etat en uniforme, main sur la matraque ou prêts à tirer sur des femmes désarmées et prises pour cible sans les avoir provoqués, quelque part dans une ruelle sombre de Managua ou à l’abri du silence d’un village reculé. Il s’agissait de civils, eux aussi désarmés, et l’agression ne s’est pas produite au Nicaragua mais … En Espagne.
Le 24 août, lors du concert d’un chanteur péruvien dans une txosna, auberge traditionnelle accueillant des spectacles, au Pays Basque espagnol, un groupe de femmes nicaraguayennes avaient déployé le drapeau de leur pays accompagné de l’inscription Libertad a las presas políticas, Liberté pour les prisonnières politiques. Soudainement, un homme s’est approché d’elles, les invectivant sur l’inscription qu’elles brandissaient, et sitôt qu’elles ont répliqué qu’elles avaient le droit d’être là, l’homme s’est mis à pousser l’une d’elles avec violence. Une barrière humaine s’est aussitôt formée pour défendre les féministes nicaraguayennes, et après leur avoir crié qu’elles «ne connaissaient pas le passé du Nicaragua», rien de moins, l’homme a été contraint de s’en aller.
Se croyant délivrées de leur agresseur, les féministes n’étaient pourtant pas pour autant à l’abri. Peu après, un autre homme, qui s’est présenté comme membre d’Askapeña, organisation indépendantiste basque se réclamant de l’internationalisme marxiste, est venu les prendre à partie en exigeant qu’elles s’en aillent immédiatement. S’étant prévalues là encore de leur droit d’être présentes à la txosna en tant qu’espace de liberté, les féministes nicaraguayennes se sont entendu rétorquer par l’homme qu’il insistait pour qu’elles s’en aillent au nom de la «solidarité internationaliste», ajoutant que brandir leur drapeau en revendiquant la libération des prisonnières politiques était «une honte» et qu’elles n’avaient «aucune idée de ce qu’est la politique». Devant leur insistance, l’homme est monté sur la scène, interrompant le concert. Au micro, il a désigné les féministes à toute la salle, leur enjoignant de «s’attendre aux conséquences de leurs actes» puis les filmant avant de déployer sur la scène un drapeau du Frente Sandinista de Liberación Nacional, Front sandiniste de Libération nationale, le parti de facto unique de Daniel Ortega et Rosario Murillo au Nicaragua.
Il a fallu que les membres de deux organisations, basque et péruvienne, apportent leur secours aux féministes afin d’éviter un lynchage au nom de la «solidarité internationaliste», apparemment celle des dictateurs, des oppresseurs et, surtout, des hommes lâches qui s’en prennent aux femmes tels des loups en meute.
C’était le 24 août – donc après le baiser forcé et les attouchements sexuels de Luis Rubiales contre Jenni Hermoso, qui avaient d’ores et déjà fait le tour du monde et, sans que l’on puisse en douter, allaient ensuite inspirer l’agresseur d’Isa Balado. Pas d’abus sexuels cette fois-ci, dira-t-on ? Certes. Mais l’idée que les femmes sont inférieures et doivent se conformer aux volontés des hommes, même lorsqu’il s’agit d’idéaux politiques se réclamant du progressisme et qui devraient donc en toute logique inclure le féminisme, était bien présente dans toute son horreur. Dans cette Espagne de Don Juan piétinant sans remord l’amour des femmes envers lui, c’est plutôt ici à Tomás de Torquemada que l’on pense, le moine dominicain qui fut le maître d’œuvre de l’Inquisition au quinzième siècle. Si les dogmes changent, le dogmatisme reste, le bûcher se muant en imprécation verbale et les victimes, jadis les Juifs et les Musulmans, en devenant les femmes.
En Iran, les femmes en danger si l’Occident ignore le sexisme
Plus que jamais, la pression doit être maintenue sur les gouvernements du monde qui ignoreraient, voire nieraient, les droits des femmes. Bien entendu sur l’Afghanistan des Talibans et leur apartheid de genre, mais aussi sur le voisin et ancien ennemi des Talibans, la République islamique d’Iran, où résonnait voilà un an le slogan kurde Jin, Jiyan, Azadî, Femme, Vie, Liberté, devenu depuis mondial, après le meurtre par la police des mœurs islamique de la jeune entraîneuse de natation et aspirante-médecin Mahsa Jina Amini, par ailleurs membre des minorités kurde et sunnite du pays. Si le régime des mollahs se maintient depuis à Téhéran, le mouvement populaire de septembre 2022 l’a considérablement affaibli et il le sait, tentant de maintenir une apparence de contrôle sur les esprits mais ne trompant plus personne.
Une autre jeune femme issue d’une minorité ethnique, Elaheh Ejbari, âgée de vingt-deux ans, a récemment attiré l’attention en subissant des tortures qui ont manqué de faire d’elle une nouvelle Mahsa Amini. Elaheh Ejbari, qui est baloutche, avait fui son Sistan-Baloutchistan d’origine aux traditions patriarcales archaïques pour Téhéran où elle avait manifesté après le meurtre de Mahsa Amini. Elle y gagnait sa vie en dispensant des cours particuliers de langues.
Le 5 décembre dernier, revenant d’un cours, elle est enlevée par des inconnus qui la jettent dans une camionnette. L’insultant sur sa peau mate et son origine baloutche, ils l’accusent d’être à la solde de groupes d’opposition à l’étranger puis, après l’avoir frappée, ils lui coupent les cheveux de force, lui arrachent ses vêtements et en viennent – eux aussi – aux attouchements sexuels, lui disant tout leur mépris de la lutte des femmes d’Iran depuis un an.
«Tu aimes ça. Tu dis ‘Femme, vie, liberté’, tu veux te retrouver toute nue, c’est ça ton slogan ? Alors c’est que tu aimes ça. Tu devrais nous remercier.»
Après quatre jours de séquestration, où ils lui répétaient qu’ils ne la tueraient pas mais la renverraient au Baloutchistan pour que ses oncles s’en chargent, ils jettent Elaheh Ejbari en pleine rue. Elle retrouve ses amies, bien sûr inquiètes depuis quatre jours, et leur raconte son calvaire. Sa vie désormais détruite, ses élèves de cours de langues se désistant les uns après les autres et le propriétaire de son logement l’expulsant – peut-être, selon elle, par suite de pressions – elle finit par s’exiler en Turquie où elle vit aujourd’hui.
Difficile – ou hypocrite – de ne pas voir un lien entre les ravisseurs d’Elaheh Ejbari et les autorités iraniennes, qui se savent par trop scrutées désormais pour encore tenter par elles-mêmes au grand jour de tels actes de répression. Le seul langage des lâches alors même qu’ils violaient Elaheh Ejbari suffit à s’en convaincre, l’idée que les femmes sont soit soumises aux diktats masculins, en premier lieu vestimentaires, soit «toutes nues» et génératrices de tentations malsaines pour de pauvres petits hommes fragiles incapables de contrôler des pulsions animales en eux naturelles, constituant un moyen de blocage mental traditionnel du discours islamiste, et la République islamique d’Iran, bien que friande de liens avec l’extrême droite occidentale, islamophobe par excellence, n’en étant pas moins le premier régime islamiste du monde depuis la révolution de 1979.
Naturellement, quatre sujets du Royaume d’Espagne qui ne sont jamais allés en Iran ne peuvent être responsables de ce qui est arrivé à Elaheh Ejbari – et qui s’est produit de toute manière avant les faits qui les ont rendus tristement célèbres. Mais demain, si les dirigeants des pays de la WENA venaient à faiblir face au sexisme devant leurs propres peuples, ces quatre individus et ces mêmes dirigeants pourraient porter leur part de responsabilité dans les violences commises contre d’autres Elaheh Ejbari, Téhéran ne rêvant sans doute pas mieux que l’indifférence de l’Occident lorsqu’il retire toute liberté, voire toute vie, à une femme.
«Le trop de confiance attire le danger»
Même des gouvernements de bonne volonté dans la WENA ne sauront imposer l’idée que les droits des femmes ne sont pas et ne seront jamais solubles dans le discours politique, même lorsqu’il entend se parer de l’absolu de la religion, sans une fermeté exemplaire contre qui, dans la WENA même, se comporte en sens contraire, fût-ce avec le soutien malvenu d’un artiste connu – lui-même mis en cause pour des faits semblables – voire d’un juge.
Ces dernières semaines, l’Espagne a été touchée plus que d’habitude par le problème, mais demain, n’importe quelle nation de la WENA peut l’être à son tour et la nocivité du mauvais exemple ne serait pas moindre s’il s’agissait, loin de la Méditerranée aux traditions patriarcales, de Nordiques scandinaves ou canadiens. La même responsabilité se poserait alors au gouvernement du pays touché d’affirmer clairement qu’il n’existe pas, d’un côté, ses propres bonnes intentions et, de l’autre, l’horreur sexiste de ses administrés dont il s’indigne mais sans plus. Tout comme les politiques européens ont dû apprendre que contrer l’extrême droite xénophobe n’était plus depuis longtemps une seule question de morale, les partis populistes devant être contrés et combattus y compris et d’abord sur le plan substantiel, ils doivent aujourd’hui comprendre que la lutte contre le sexisme ne se satisfait pas davantage du seul anathème.
Autrement, comment la WENA pourrait-elle continuer à convaincre le reste du monde de l’importance des droits des femmes, tels que les définit la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) loin d’être encore ratifiée aussi universellement que l’est, à titre d’exemple, la Convention internationale des Droits de l’Enfant ? Comment rappeler encore et toujours les dispositions de la Résolution 1325 (2000) du Conseil de Sécurité des Nations Unies consacrant le rôle crucial des femmes dans la paix et, justement, la sécurité ? Comment soutenir encore les femmes œuvrant à travers le monde à la démocratie, au développement, à la protection de l’environnement, à la santé, à l’éducation ainsi que dans tous les autres domaines de la société ? Sans oublier toutes celles qui s’illustrent dans le journalisme comme Isa Balado, dans le sport comme Jenni Hermoso, et dans tout ce qui fait d’une civilisation et d’un mode de vie ce qu’ils sont, avec le sort qu’ils réservent aux femmes comme ultime indice de leur humanité.
«Le trop de confiance attire le danger», écrivait Corneille dans Le Cid, où ces mots étaient ceux du roi d’Espagne Don Fernand face à ses conseillers minimisant la montée d’une flotte d’invasion maure vers Séville, invasion qui allait être mise en échec par le jeune Don Rodrigue devenant ainsi «Le Cid» d’après sid, «seigneur» en arabe. «Le trop de confiance», c’est bien souvent ce qui mène à bâtir des châteaux en Espagne, et les derniers événements dans le pays ou liés à ses citoyens viennent rappeler, de manière aussi tragique qu’opportune, que le combat contre le sexisme n’a rien d’une charge de Don Quichotte contre un moulin à vent et que, pour les auteurs d’agressions sexuelles, l’enfer où se voit englouti Don Juan en châtiment de ses provocations répétées, c’est sur cette terre qu’il doit se trouver, ou plutôt, qu’il faut le créer. Cet enfer, ce sera le monde qui leur fait si peur, celui où plus jamais aucune femme n’aura peur.
Bernard J. Henry est Officier des Relations Extérieures de l’Association of World Citizens.
Repression of protests in Iran continues. A wave of protests swept across the country in the wake of the September 2022 death in custody of 22-year-old Mahsa Jina Animi, an ethnic Kurd and Sunni Muslim. It is estimated that the Iranian security forces have killed over 500 protesters and arrested some 20,000 persons of all ethnic and religious backgrounds.
In response to the State-led violence, on November 24, 2022, the United Nations (UN) Human Rights Council created the International Independent Fact-Finding Mission on the Islamic Republic of Iran with the chairmanship of Sera Hossain of Bangladesh.
Mahsa Amini
One aspect of the repression of protests is that religious leaders of the Sunni Muslim communities, especially in Iran’s Sistan and Baluchistan province and in the Kurdish provinces, are being increasingly targeted by the Islamic Republic’s authorities for arrest and imprisonment because of their peaceful criticism of the repression of protests. Iran is a majority Shia Muslim country, and Shiism is the official religion of the State.
Religious minorities include Sunni Muslims, Christians, Baha’is, Zoroastrians, Jews, and the Gonabadi Sufi community. Religious and ethnic identities in Iran often overlap. The Association of World Citizens (AWC) has repeatedly appealed to UN human rights bodies concerning the discrimination and repression of persons of the Baha’i faith.
Another aspect of the repression of protests has been the public hanging of some protesters. The AWC has repeatedly called upon governments for a moratorium on executions with a view of abolishing the death penalty – a penalty that extensive research has shown has little or no impact on the level of crime and too often opens doors to judicial errors and injustices.
The UN International Independent Fact-Finding Mission on the Islamic Republic of Iran has called on Nongovernmental Organizations for direct information. The broader community of NGOs needs to keep public attention focused on events in Iran.
Prof. René Wadlow is President of the Association of World Citizens.
The United Nations (UN) General Assembly has designated August 19 as “World Humanitarian Day” to pay tribute to aid workers in humanitarian service in difficult and often dangerous conditions. August 19 was designated in memory of the August 19, 2003 bombing of the UN office building in Baghdad, Iraq in which Sergio Vieira de Mello, United Nations (UN) High Commissioner for Human Rights and, at the time, Special Representative of the UN Secretary General was killed along with 21 UN staff members. Over 200 UN employees were injured. The exact circumstances of the attack are not known, and why USA and UN security around the building was not tighter is still not clear. A truck with explosives was able to dive next to the building and then blew itself up.
Sergio Vieira de Mello had spent his UN career in humanitarian efforts, often with the Office of the High Commissioner for Refugees and at other times as Special Representative of the UN Secretary General. As a Nongovernmental Organization’s (NGO’s) representative to the UN in Geneva and active on human rights issues, I knew him during his short 2002-2003 tenure as High Commissioner for Human Rights. Many of us had high hopes that his dynamism, relative youth – he was 54 – and wide experience in conflict resolution efforts would provide new possibilities for human rights efforts. His death along with the death of others who had been Geneva-based was a stark reminder of the risks that exist for all engaged in humanitarian and conflict resolution work.
This year, the risks and dangers are not just memories but are daily news. On May 3, 2016, the UN Security Council unanimously adopted Resolution 2286 calling for greater protection for health care institutions and personnel considering recent attacks against hospitals and clinics in Syria, Iraq, Yemen, South Sudan, Democratic Republic of Congo, and Afghanistan. These attacks on medical facilities are too frequent to be considered “collateral damage.” The attacks indicate a dangerous trend of non-compliance with world law by both State and non- State agents. The protection of medical personnel and the treatment of all the wounded − both allies and enemies − goes back to the start of humanitarian law.
The Association of World Citizens (AWC) has stressed the need for accountability, including by investigation of alleged violations of the laws of war. The grave violations by the Islamic State in Iraq and al-Sham (ISIS) must be countered by as wide a coalition of concerned voices as possible. There is a real danger that as ISIS disintegrates and no longer controls as much territory, it will increase terrorist actions.
The laws of war, now more often called humanitarian law, have two wings, one dealing with the treatment of medical personnel in armed conflict situations, the military wounded, prisoners of war, and the protection of civilians. This wing is represented by the Geneva (Red Cross) Conventions. The second wing, often called The Hague Conventions limit or ban outright the use of certain categories of weapons. These efforts began at The Hague with the 1900 peace conferences and have continued even if the more recent limitations on land mines, cluster weapons and chemical weapons have been negotiated elsewhere.
Sergio Vieira de Mello (C) Wilson Dias/ABr
The ban on the use of weapons is binding only on States which have ratified the convention. Thus, the current use of United States (U.S.)-made cluster weapons in Yemen by the Saudi Arabia-led coalition is, in a narrow sense, legal as the USA, Saudi Arabia and Yemen have not signed the cluster weapon ban. The AWC was one of the NGOs leading the campaign against cluster weapons. My position is that when a large number of States ratify a convention, as is the case with the cluster-weapons ban, then the convention becomes world law and so must be followed by all States and non-State actors even if they have not signed or ratified the convention. The same holds true for the use of land mines currently being widely used by ISIS in Syria and Iraq.
The current situation concerning refugees and internally displaced persons can also be considered as part of humanitarian law. Therefore, those working with refugees and the displaced within their country are also to be honored by the World Humanitarian Day. To prevent and alleviate human suffering, to protect life and health and to ensure respect for the human person − these are the core values of humanitarian law.
There needs to be a wide public outcry in the defense of humanitarian law so that violations can be reduced. The time for action is now.
Prof. René Wadlow is President of the Association of World Citizens.
March 25 is the anniversary date of the start of 28 days on continued bombing of Yemen in 2015 by the Saudi-Arabia-led coalition (Bahrain, Egypt, Jordan, Kuwait, Morocco, Qatar, Sudan, United Arab Emirates helped by arms and “intelligence” from the USA and the UK). The aggression by the Saudi coalition turned what had been an internal struggle for power going on from the “Arab Spring” of 2011 into a war with regional dimensions which brought Iran into the picture. The role of Iran has been exaggerated both by the Iranian government itself and by those hostile to Iran. Nevertheless, the Iranian role is real.
Yemeni children play in the rubble of buildings destroyed in an air raid. (C) Peter Biro/European Union
Since the Association of World Citizens (AWC) had been following possible constitutional developments in Yemen after the 2011 change of government, a couple of days after the March 25, 2015 bombing, the AWC sent to governmental missions to the United Nations (UN) an AWC Appeal for four steps of conflict resolution and negotiations in good faith:
1) An immediate ceasefire ending all foreign military attacks; 2) Humanitarian assistance, especially important for hard-to-reach zones; 3) A broad national dialogue; 4) Through this dialogue, the establishment of an inclusive unity government open to constitutional changes to facilitate better the wide geographic- tribal structure of the State.
While the constitutional form of the State structures depends on the will of the people of Yemen (provided they can express themselves freely), the AWC proposes consideration of con-federal forms of government which maintain cooperation within a decentralized framework. In 2014, a committee appointed by the then President, Abdu Rabbu Mansur Hadi, had proposed a six-region federation as the political structure for Yemen.
Until 1990, Yemen was two separate States: The People’s Democratic of Yemen in the south with Aden as the capital, and the Yemen Arab Republic in the north with Sana’a as its capital. In 1990, the two united to become the Republic of Yemen. The people in the south hoped that the union would bring the economic development which had been promised. Since, even before the Saudi-led war began, there had been very little economic and social development in the south, there started to grow strong “separatist” attitudes in the south. People of all political persuasions hoped to develop prosperity by ending unification and creating what some have started calling “South Arabia” Today, these separatist attitudes are very strong, but there is no agreement on what areas are to be included in a new southern state, and the is no unified separatist political leadership.
Very quickly after March 25, 2015, many governments saw the dangers of the conflict and the possible regional destabilization. Thus, there were UN-sponsored negotiations held in Geneva in June 2015. The AWC worked with other nongovernmental organizations (NGO) so that women should be directly involved in such negotiations. However, women have not been added to any of the negotiations and are largely absent from any leadership role in the many political factions of the country. There have been UN mediators active in trying to get ceasefires and then negotiations. There have been some temporary ceasefires, but no progress on real negotiations.
Today, the war continues with the country’s fragmentation, continued internal fighting and impoverishment leading to a disastrous humanitarian crisis. There is a glimmer of possible conflict resolution efforts due to the recent mutual recognition of Saudi Arabia and Iran under the sponsorship of the People’s Republic of China. However, creating a national society of individuals willing to cooperate will not be easy. Regional divisions will not be easy to bridge. There have already been divisions within the Saudi-led Coalition. Thus, positive action is still needed. NGOs should seek to have their voices heard.
Prof. René Wadlow is President of the Association of World Citizens.
The Association of World Citizens (AWC) calls for urgently needed tension-reduction measures in the Israel-Palestine-Lebanon area.
Tensions have led to a barrage of missiles from Gaza and Lebanon and rapid Israeli missiles in return aiming at weakening Hamas and Hezbollah.
Growing tensions had led to Israeli police attacking Palestinian worshipers celebrating the holy month of Ramadan within the Al-Aqsa Mosque compound on April 5-6, 2023. The images of Israeli police firing teargas and beating worshipers were widely seen on social media outlets and other media.
Tensions in the area have been growing since the formation of the Netanyahu-led government with right-wing ministers. Government proposals for changes concerning the court system and the appointment of judges have led to strong and widespread protest demonstrations. However, Palestinian issues were not directly addressed by these demonstrations.
Tensions between Israel and Iran and Iranian-backed groups in Syria have also been growing. The dangers of further violence have been raised in the United Nations Security Council, but no positive actions were undertaken. United Nations peacekeeping forces in Lebanon are on “high alert”.
For the moment, there are no high-level public negotiations underway or planned. Thus, tension-reduction measures must be undertaken as unilateral measures by the government of Israel, the Palestinian Authority, and the government of Lebanon. Such tension-reduction measures are urgently needed but may be unlikely. Thus, the AWC calls upon civil society organizations and persons of good will to consider what measures can be taken immediately and what structures may be established so that tension-reduction processes continue. This is an urgent call for creative and courageous actions.
Prof. René Wadlow is President of the Association of World Citizens.
“I shall die, but that is all that I shall do for death. I am not on his payroll. I will not tell him the whereabouts of my friends nor of my enemies either”.
–Edna St-Vincent Millay, U. S. poetess.
The Association of World Citizens (AWC) has repeatedly called upon governments for a moratorium on executions with a view to abolishing the death penalty – a penalty that extensive research has shown has little or no impact on the level of crime and too often opens the door to judicial errors and injustice. In addition to State-sponsored official executions, usually carried out publicly or at least with official observers, a good number of countries have State-sponsored “death squads” – persons affiliated to the police or to intelligence agencies that kill “in the dark of the night” unofficially. These deaths avoid a trial which might attract attention or even a “not guilty” decision.
The January 7 hanging of Mohammad Mehdi Karami, 22 years old, and Seyed Mohammad Hosseini, 39, by the authorities of the Islamic Republic of Iran is an obvious effort to crush dissent and demonstrations which have shaken the authorities, set off by the death of Mahsa Animi in September at the hands of the morality police.
The January 7 hangings follow the December hangings of Moshen Shekari and Majidreza Rahmavd, both 23 years old. 14 other persons have been sentenced to death and are at imminent risk of execution – mostly young men. More than 40 persons are facing charges that could carry the death penalty. The four persons hanged did not have fair trials, and the court-appointed lawyers had no time to prepare a defense. The AWC is devoted to universal application of human rights law which includes fair trials and adequate defense – trials carried out with established international norms.
A public execution in Parsabad, Iran on September 20, 2017. (C) Mohsen Zare/Tasnim News Agency
Kenneth Patchen’s (1911-1972) clear words have been a credo for the AWC, opposed to executions on moral grounds:
“This is a man
he is a poor creature
you are not to kill him
This is a man
he has a hard time
upon the earth
You are not to kill him”
Prof. René Wadlow is President of the Association of World Citizens.
Après les Etats-Unis en 1976, les Français ont célébré en 1989 le Bicentenaire de la Révolution qui a créé leur république, avec pour traits d’union entre les deux pays le Marquis de la Fayette, «héros des deux mondes» en France comme le deviendrait plus tard Giuseppe Garibaldi en Italie, et le fameux «Ça ira» de Benjamin Franklin, Ministre des Etats-Unis d’Amérique à Paris mais francophone malhabile qui, lorsqu’on lui demandait des nouvelles de son pays, répondait par ces deux seuls mots que les sans-culottes avaient fini par reprendre à leur profit. Mais en France, l’année 1989 fut loin d’être placée sous le seul signe des idéaux de la Révolution française tels que résumés en sa devise officielle – Liberté, Égalité, Fraternité.
Depuis le début des années 1980, la France était régulièrement frappée par le terrorisme lié au conflit israélo-palestinien, comme lorsque fut frappé voici quarante ans ce mois-ci, le 9 août 1982, le restaurant Jo Goldenberg dans le quartier juif de Paris. Depuis les élections municipales de 1983 et dans des proportions sans précédent depuis la Libération, l’extrême droite reprenait pied dans la politique française avec les succès électoraux du Front National, dénoncés ainsi que la complaisance du reste de la classe politique par Louis Chedid dans Anne, ma sœur Anne.
C’était déjà beaucoup, évidemment trop. Mais ce n’était pourtant qu’un début, et bientôt une France déjà en proie à ses propres démons allait se trouver prise au cœur de luttes d’envergure mondiale, luttes qui, bien que jamais vraiment disparues, viennent aujourd’hui se rappeler tragiquement au souvenir non seulement de la France mais du monde entier, avec l’agression de Salman Rushdie le 12 août dans l’État de New York.
La Dernière Tentation du Christ : la Contre-Révolution contre-attaque
Le réalisateur américain Martin Scorsese (C) David Shankbone
En août 1988, le cinéaste américain Martin Scorsese sort son nouveau film, La Dernière Tentation du Christ, d’après un roman de Níkos Kazantzákis. En rupture directe avec les récits bibliques, Scorsese y dépeint un Jésus vivant comme tout mortel, peu soucieux du péché ou de la foi, et qui prend soudainement conscience de sa mission divine puis entame un parcours messianique en s’opposant aux dirigeants mêmes du peuple juif dont il est issu. Devant les caméras de Scorsese, c’est Jésus lui-même qui demande à Judas, son premier adepte, de le dénoncer aux Romains afin d’être arrêté et mourir en martyr. Mais, alors qu’il attend la mort sur sa croix, Jésus se voit offrir le salut par un ange qui vient lui dire qu’il est Fils de Dieu, mais non pas le Messie, et doit vivre en homme normal. Sauvé par l’ange de la crucifixion, Jésus épouse Marie-Madeleine et fonde avec elle une famille heureuse.
A la fin de sa vie, Jésus appelle auprès de lui ses anciens disciples et Judas lui avoue que l’ange qui l’a sauvé était en réalité Satan, dont lui est venue cette «dernière tentation» de vivre en homme ordinaire et non en Messie. Mourant, Jésus rampe jusqu’à la croix dont Satan l’avait jadis extrait, dans une Jérusalem en flammes puisque n’ayant jamais été pacifiée par son enseignement. Il implore Dieu de le replacer sur la croix, afin de pouvoir enfin accomplir sa destinée. Crucifié une nouvelle fois, il sait sa mission menée à bien et meurt.
Cette uchronie religieuse soulève la fureur chez les Chrétiens à travers le monde entier, d’abord chez les Protestants aux Etats-Unis même puis, en France, chez les Catholiques, l’Archevêque de Paris Jean-Marie Lustiger parvenant même à faire plier le Gouvernement socialiste de François Mitterrand qui, d’abord partenaire du film, finit par jeter l’éponge.
A sa sortie en France en septembre, le film réveille un mouvement catholique intégriste que l’on croyait décapité depuis l’excommunication au printemps de Monseigneur Marcel Lefebvre et la mise au ban par le Vatican de sa Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X traditionaliste et hostile à Vatican II. En octobre, un cinéma projetant La Dernière Tentation du Christ est incendié dans l’est de la France et, à Metz, la visite du Pape Jean-Paul II donne lieu au retrait du film des salles locales. Bientôt, le film est déprogrammé partout ailleurs ou projeté sous protection policière. Le 23 octobre, un commando catholique intégriste attaque l’Espace Saint-Michel à Paris, dernière salle projetant encore le film, blessant quatorze personnes dont deux grièvement.
En pleine célébration de sa Révolution et de l’Être suprême, divinité laïque sous les auspices de laquelle était adoptée le 26 août 1789 la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, la France découvre que l’esprit vengeur des Chouans de Bretagne et des royalistes de Vendée qui refusaient la fin de la monarchie de droit divin était toujours là, et que, comme leurs ancêtres révolutionnaires, les Français républicains de 1989 allaient devoir y faire face. Et à l’intégrisme catholique menaçant le Bicentenaire allait bientôt s’ajouter l’intégrisme issu des rangs d’une autre religion majeure de France – l’Islam.
Allah et Les Versets sataniques : les «intégristes musulmans» à l’assaut de l’Être suprême
En 1989, la France ne parle pas encore d’islamisme. Ce terme n’apparaît que l’année suivante, lorsque les premières élections libres et multipartites en Algérie voient non pas la victoire courue d’avance du Front de Libération Nationale (FLN), jusqu’alors parti unique, mais du Front islamique du Salut (FIS), parti prônant une application stricte de la loi coranique dans tous les domaines de l’administration et de la vie publique. Pour l’instant, en cette année 1989, la France parle d’intégrisme musulman. Jusqu’à présent, cet intégrisme s’est surtout manifesté à travers le terrorisme, non dans une moindre mesure en lien avec l’Iran comme en témoigne l’affaire Wahid Gordji. Mais la France est sur le point de découvrir que cet intégrisme peut aussi frapper là où elle l’attend le moins, sur un terrain où, ceinte de ses idéaux révolutionnaires, elle se croit inexpugnable. Le terrain de la culture.
Dès 1987, la chanteuse Véronique Sanson envisageait une chanson contre l’intégrisme religieux, racontant l’histoire d’un couple maghrébin se muant en auteurs d’un attentat-suicide par l’explosion d’un camion. Alors qu’elle entend intituler sa chanson Dieu, le chanteur Michel Berger, son ancien compagnon qui produit pour elle l’album devant contenir la chanson, lui suggère de l’intituler Allah en référence à l’extrémisme musulman qui, à travers le monde, s’affirme alors de plus en plus comme une «troisième force» entre les Etats-Unis de Ronald Reagan et l’URSS de Mikhaïl Gorbatchev. C’est ainsi que la chanteuse enregistre Allah, où elle s’en prend directement au Dieu de l’Islam pour les attentats commis en son nom par des fanatiques.
Véronique Sanson
Alors qu’elle s’apprête à donner un concert à l’Olympia, Véronique Sanson reçoit des menaces de mort lui enjoignant de ne pas chanter Allah. Le 14 février 1989, une fatwa est lancée contre elle avec ordre de la tuer. La carrière de la chanson s’arrête là. Mais pas celle de l’extrémisme se réclamant de l’Islam, car bien sûr, Rushdie est le prochain sur la liste.
C’est en septembre 1988 que l’écrivain britannique d’origine indienne, naturalisé américain, publie son quatrième roman, Les Versets sataniques (The Satanic Verses). Les protagonistes, deux artistes indiens vivant en Angleterre contemporaine, se trouvent pris dans un détournement d’avion et, alors que l’appareil explose en plein vol, se voient miraculeusement y survivre puis prendre pour l’un, la personnalité de l’Ange Gabriel et, pour l’autre, celle d’un démon. Ce dernier réussit à ruiner la vie, notamment sentimentale, de son comparse qui le lui pardonne toutefois en bon ange que, selon lui, il est devenu. Tous deux rentrés en Inde, le premier tue sa compagne avant de se suicider, et le second, jusqu’alors brouillé avec son identité indienne ainsi que son propre père, se réconcilie avec les deux et reste vivre dans son Inde natale.
Salman Rushdie
Mais derrière cette histoire de deux Indiens frappés d’une maladie mentale, servant de trame au roman de Rushdie, d’autres parties du roman s’avèrent plus problématiques, du moins pour les Musulmans les plus dogmatiques.
A l’instar de Scorsese mettant en scène un Christ détourné de sa mission salvatrice par un Satan habilement déguisé, Rushdie dépeint Mahomet, le Prophète de l’Islam, adoptant trois divinités païennes de La Mecque en violation du principe islamique du dieu unique, les trois divinités ayant dicté à Mahomet de faux versets du Coran en ayant pris l’apparence d’Allah. Le récit romancé de Rushdie amène ensuite des prostituées de La Mecque à se faire passer pour les épouses du Prophète, puis l’un des compagnons de Mahomet à douter de lui en tant que messager de Dieu et l’accuser d’avoir volontairement réécrit certaines parties du Coran en occultant le verbe divin.
Rushdie poursuit avec le récit, toujours fictif, d’une jeune paysanne indienne affirmant recevoir des révélations de l’Archange Jibreel («Gabriel» en arabe). Elle convainc son village entier d’entreprendre un pèlerinage en marchant jusqu’à La Mecque, affirmant qu’ils pourront tous traverser la mer à pied. Mais les pèlerins disparaissent tous, les témoignages discordant sur leur noyade pure et simple ou leur traversée miraculeuse de la mer comme l’aurait promis l’Archange Jibreel.
Puis Rushdie présente un chef religieux fanatique expatrié, «l’Imam», chef religieux en lequel est aisément reconnaissable l’Imam Ruhollah Khomeini, Guide suprême de la République islamique d’Iran, exilé en France jusqu’à la révolution islamique de 1979.
Après le tollé chez les Chrétiens contre Scorsese, c’est au tour de Rushdie d’enflammer le monde musulman. Au Pakistan, Les Versets sataniques sont interdits et, le 12 février 1989, dix mille personnes manifestent contre lui à Islamabad où le Centre culturel américain et un bureau d’American Express sont mis à sac. L’Inde interdit l’importation de l’ouvrage et des autodafés se font jour en Grande-Bretagne.
En février 1989, c’est au tour de Khomeini d’ajouter à la polémique en édictant une fatwa, littéralement une «opinion juridique», facultative en Islam sunnite mais ayant valeur contraignante chez les Chiites, appelant au meurtre de Rushdie et de ses éditeurs ainsi qu’à faciliter ce meurtre à défaut de le commettre soi-même. En Grande-Bretagne, le Gouvernement conservateur de Margaret Thatcher prend fait et cause pour Rushdie, qu’il place sous protection policière, mais un jeune député travailliste nouvellement élu organise dans sa circonscription une marche pour l’interdiction des Versets sataniques et un ancien leader du Parti conservateur, Norman Tebbit, sans aucun lien personnel avec l’Inde ou l’Islam par ailleurs, condamne et injurie publiquement Rushdie.
Là où Martin Scorsese continue d’aller et venir librement, Véronique Sanson ayant tôt fait de sortir de nouveaux titres et faire oublier Allah, Rushdie se trouve désormais prisonnier d’une alternative qui résume tout son sort – la clandestinité ou la mort.
Héritage humaniste contre héritage de haine
Devenu invisible et introuvable, Rushdie publie en 1995 un nouveau roman, Le dernier soupir du Maure (The Moor’s Last Sigh). Mais, pour avoir perdu en intensité, la menace de Téhéran n’en a pas pour autant disparu. Loin des regards, c’est désormais par procuration que Rushdie continue d’être attaqué.
En 1991, les traducteurs italien et japonais de Rushdie sont assassinés. Deux ans plus tard, un traducteur norvégien des Versets sataniques échappe de peu à une tentative de meurtre par balles puis un traducteur turc manque de succomber à un incendie volontaire qui le visait.
En 1998, l’Iran de Mohammed Khatami, Président se voulant réformiste, annonce la fin de la fatwa contre Rushdie qui, à son tour, abandonne sa vie en clandestinité. Mais en 2006, le conservateur nationaliste Mahmoud Ahmadinejad qui a succédé à Khatami fait marche arrière ; pour lui, une fatwa ne peut être annulée que par la personne qui l’a édictée, et puisque Khomeini est décédé, la fatwa est irréversible. Dix ans plus tard, la prime promise par l’Iran pour le meurtre de Rushdie dépasse les trois millions de dollars, notamment sous l’impulsion des médias iraniens.
Et le 12 août dernier, alors qu’il s’apprête à donner une conférence à la Chautauqua Institution dans l’Etat de New York, Rushdie est poignardé au cou par Hadi Matar, Chiite d’origine libanaise dont les réseaux sociaux grouillent de messages de soutien au régime iranien et d’admiration pour Khomeini. Hospitalisé en urgence, placé sous assistance respiratoire, il est menacé de perdre un œil ; le 14, son agent annonce qu’il se rétablit et respire normalement. En Iran, la presse conservatrice couvre de louanges Hadi Matar qui, ensuite amené devant la justice, plaide non coupable.
En France, d’aucuns convoquent aussitôt le souvenir de l’attentat terroriste du 7 janvier 2015 contre la rédaction de Charlie Hebdo, régulièrement accusé de s’en prendre systématiquement à l’Islam et aux Musulmans, en particulier depuis la publication dans ses colonnes, en 2006, de caricatures de Mahomet parues dans un journal d’extrême droite au Danemark. C’est toutefois après avoir critiqué non l’Islam mais l’islamisme, incarné par le parti tunisien Ennahda et une partie du Conseil national de Transition en Libye, que Charlie Hebdo avait connu en 2011 l’incendie de ses locaux à Paris. Quant à l’attentat ayant décimé sa rédaction, Charlie Hebdo le devait bien à deux terroristes résolus, deux frères membres d’Al-Qaïda en Péninsule Arabique, Cherif et Saïd Kouachi. L’Islam ne tue pas, l’islamisme oui.
Pour les Français, immanquablement, le souvenir de l’attentat contre Charlie Hebdo en appelle un autre, celui de l’assassinat de Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie victime d’un autre attentat terroriste à Conflans-Sainte-Honorine, en région parisienne, le 16 octobre 2020 alors que se tenait justement à Paris le procès des auteurs présumés des attentats de janvier 2015 dont celui contre Charlie Hebdo, en dehors des frères Kouachi et d’Amedy Coulibaly qui avait attaqué l’Hyper Cacher de la Porte de Vincennes. Samuel Paty avait été dénoncé par certains élèves musulmans comme ayant utilisé des dessins parodiques de Mahomet parus dans Charlie Hebdo, ce qui avait fait de lui une cible du seul fait de son enseignement, non contre l’Islam mais en faveur de l’esprit critique.
Étrangère à l’univers anglo-saxon de l’Amérique de Scorsese ou de l’Angleterre de Rushdie, la France qui célébrait sa Révolution s’était retrouvée victime collatérale des deux épisodes mais n’en avait pas connu de semblable pour ses propres artistes, notamment pas pour Véronique Sanson contre laquelle la fatwa aura fait long feu. Inspirée par le Bicentenaire de la Révolution, Isabelle Adjani, l’une des actrices françaises les plus en vogue à l’époque, n’en avait pas moins lu à haute voix un extrait des Versets sataniques lors de la cérémonie des Césars en 1988. Malgré tout, la France républicaine avait bien dû se faire une raison, constatant que les idéaux qu’elle célébrait et voulait universels ne l’étaient pas tant qu’elle le croyait et que, dans cet Occident qui regardait de haut un «Tiers Monde» auquel il imputait l’intégrisme religieux comme une conséquence de son sous-développement, ce même intégrisme existait aussi, non du seul fait de migrants musulmans mais aussi de citoyens de lignée locale depuis des siècles, non du seul fait d’un Islam qui, ailleurs, avait pris les armes mais aussi du même catholicisme qui, le dimanche matin, rassemblait les fidèles devant Le Jour du Seigneur sur la télévision d’État.
Triste préfiguration d’un monde qui, en quittant les années 1980 et par miracle la Guerre Froide, (r)entrait successivement dans la guerre «chaude» avec la campagne militaire internationale pour la libération du Koweït envahi en août 1990 par l’Irak, les guerres balkaniques avec camps d’internement et purification ethnique rappelant sombrement la Shoah, le terrorisme généralisé, ici islamique du fait d’Al-Qaïda et ailleurs d’extrême droite comme à Oklahoma City, et l’extrême droite au pouvoir, fût-ce en coalition gouvernementale, comme en Italie.
D’aucuns en France voudraient penser que tous les chemins mènent non à Rome, mais à Paris, et donc que tous les chemins en partent aussi. En 1789, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen avait bel et bien résonné, pour sa part, loin par-delà les frontières du Royaume de France. Là où les textes constitutionnels américains avaient été scrutés principalement par les ennemis britannique et espagnol de la jeune Amérique indépendante, la proclamation française «en présence de l’Être suprême» avait permis au monde entier de comprendre qu’une nouvelle ère commençait. Deux cents ans plus tard, la fête de ce légitime moment de fierté pour le peuple français lui offrait tout le contraire, l’obscurantisme et la violence venues d’ailleurs convergeant vers Paris pour ternir ce moment de joie et ouvrir la voie à une fin du vingtième siècle qui ne pouvait que laisser craindre le pire.
La Déclaration universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen adoptée le 26 août 1789 (C) Musée Carnavalet – Paris
Aucun respect du droit sans respect de l’écrit
Et le vingt-et-unième siècle n’a pas manqué de tenir les terribles promesses de son prédécesseur. Pire attentat terroriste de l’histoire en 2001, extrême droite au pouvoir dans deux pays d’Europe et ayant manqué de l’être aussi en France en 2002, invasion de l’Irak cette fois sans mandat international en 2003, tortures de civils dans ce même Irak l’année suivante … La liste serait bien trop longue. Mais une chose est sûre, ce qui était au vingtième siècle le futur ressemble horriblement à ce qui était vu, à l’époque, comme un passé révolu.
Des écrivains comme Rushdie, tous les pouvoirs tyranniques en ont toujours emprisonné, interdit, torturé voire tué. Dans le contexte individuel de 1989, plus encore en France, Rushdie était devenu le symbole vivant d’un mal nouveau, menaçant un monde où le Mur de Berlin était toujours debout même si l’URSS vaincue en Afghanistan semblait à genoux. Mais avec le nouveau siècle est venue l’expansion de la nouvelle technologie, et avec elle, la possibilité d’être auteur sans plus devoir passer par un journal ou une maison d’édition, avec l’apparition des blogs et, pas toujours pour le meilleur, des réseaux sociaux. Et qui dit nouveaux moyens d’expression dit nouvelle peur pour les régimes répressifs, et avec cette nouvelle peur, de nouveaux motifs de répression. Publié sur papier ou autopublié sur Internet, qu’importe aujourd’hui, vous risquez tout autant de payer cher le moindre de vos mots contre qui veut régner en imposant le silence.
Active au sein du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies, l’Association of World Citizens ne s’est jamais limitée pour autant à cette seule enceinte genevoise, ayant toujours porté la défense des Droits Humains partout où elle le peut.
En Tunisie où, depuis un an, les initiatives du Président Kaïs Saied mettent à mal l’héritage de la Révolution de janvier 2011, le journaliste Salah Attia en a fait les frais pour avoir dénoncé ces dérives autoritaires en direct sur la chaîne Al Jazeera. Jugé sur ce seul fondement par des militaires en uniforme, il s’est retrouvé détenu à la prison de Mornaguia près de Tunis. Dans la Libye voisine qui n’a jamais su trouver sa voie nouvelle depuis la révolte populaire contre Mu’ammar Kadhafi, hélas devenue intervention militaire franco-britannique aux motifs plus qu’incertains, c’est Mansour Atti, journaliste lui aussi, mais également blogueur et dirigeant local du Croissant-Rouge, qui fut enlevé en juin 2021 par un groupe armé réputé proche des Forces armées libyennes.
Toujours en Afrique mais plus au sud, dans la Corne du continent, en Somalie où l’État central ne s’est jamais vraiment reconstitué depuis 1990 et la désagrégation du pays après la fin de la dictature de Mohamed Siad Barré, un journaliste indépendant nommé Kilwe Adan Farah fut arrêté en décembre 2020 dans la région autonome de facto du Puntland où il venait de couvrir une manifestation contre les autorités locales. Jugé lui aussi par un tribunal militaire, il fut condamné à trois ans d’emprisonnement pour avoir «répandu des fausses nouvelles et incité au mépris envers l’État». A ce jour, il purge encore sa peine.
Kilwe Adan Farah
Le terrorisme jihadiste en France et ailleurs l’a prouvé : ce qui menaçait Salman Rushdie n’a jamais disparu, tout au plus changé de forme. Mais aujourd’hui, là où un interdit fanatique peut toujours frapper quelqu’un qui s’exprime par l’écrit, l’interdit peut venir également des forces armées dans un pays cherchant sa voie constitutionnelle et, dans le meilleur des cas, démocratique. Quitte à oser vouloir faire croire qu’un écrit public dénué de toute intention malveillante peut menacer un pays tout entier de ne jamais (re)trouver une vie libre et paisible.
En France, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, mais bien sûr pas seulement, la loi permet de saisir la justice contre un écrit public et obtenir soit réparation si l’on est visé à titre personnel, soit condamnation pénale dans le cas d’un abus de la liberté d’expression internationalement reconnaissable comme tel, par exemple à travers la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme. Et ce sera toujours, dans ces trois pays et partout ailleurs dans le monde, une infaillible indication du respect de l’État de droit par opposition à la loi de la jungle ou à celle du talion. Quiconque se reconnaît Citoyen du Monde doit défendre sans faille ces principes, sachant que là où un écrit peut valoir la mort, il n’est aucune responsabilité envers sa communauté locale, a fortiori envers la communauté humaine mondiale, que l’on puisse entendre assumer à moins que ce ne soit, au bout du compte, en vain.
Bernard J. Henry est Officier des Relations Extérieures de l’Association of World Citizens.