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N’abandonnez pas la lutte pour les Droits de l’Homme !

In Being a World Citizen, Current Events, Democracy, Human Rights, International Justice, The Search for Peace, United Nations, World Law on May 3, 2013 at 11:06 PM

N’ABANDONNEZ PAS LA LUTTE POUR LES DROITS DE L’HOMME !

Par Bernard Henry

 

(D’après « Don’t Give Up the Fight for Human Rights! », du même auteur :

https://awcungeneva.com/2013/05/03/dont-give-up-fight-human-rights/)

 

Le début du mois de mai est un bon moment pour fêter les Droits de l’Homme. En dehors du 1er mai, Fête internationale du Travail, il y a aussi le 3 mai, Journée internationale de la Liberté de la Presse, instaurée par l’Assemblée générale de l’ONU en 1993 et célébrée chaque année sous l’égide de l’institution spécialisée de l’ONU en charge de la communication, l’UNESCO[1].

Alors faisons la fête. Mais le restant de l’année, les Droits de l’Homme ne nous donnent guère d’occasions de le faire. Depuis l’année 2000, en dépit même de développements historiques à l’ONU et dans d’autres organisations intergouvernementales, ainsi que dans un certain nombre d’Etats-nations pris isolément, les Droits de l’Homme au niveau international, indiscutablement le plus noble héritage politique du vingtième siècle, semblent avoir largement perdu leur place prioritaire dans la vie politique mondiale.

Rien d’étonnant. Après l’élection présidentielle de 2000 aux Etats-Unis et le coup ainsi porté au modèle occidental de démocratie protégeant les libertés, les attaques terroristes contre le World Trade Center et le Pentagone l’année suivante ont entièrement tourné l’attention du monde vers une menace terroriste capable de frapper quiconque, où que ce soit, à tout instant, semant la peur et entraînant un appel aux armes. Il s’en est suivi une « guerre contre le terrorisme » menée par les Etats-Unis, dont l’horreur est symbolisée par la zone de non-droit sous direction gouvernementale de Guantanamo Bay et les « restitutions secrètes » de personnes soupçonnées d’actes de terrorisme et convoyées par avion de pays en pays. Dans les premières années, brandir les Droits de l’Homme en protestation, c’était être vu tout simplement comme un partisan d’Al Qaïda.

Après les attaques terroristes du 11 septembre 2001 à New York et Washington, de nombreux Américains se sont dits prêts à accepter des restrictions des libertés civiles pour combattre le terrorisme. C’est ce qui a permis à l’Administration Bush de réagir à la menace terroriste par de nombreuses et graves atteintes aux Droits de l’Homme, plus particulièrement à l’établissement pénitentiaire américain de Guantanamo Bay à Cuba.

Après les attaques terroristes du 11 septembre 2001 à New York et Washington, de nombreux Américains se sont dits prêts à accepter des restrictions des libertés civiles pour combattre le terrorisme. C’est ce qui a permis à l’Administration Bush de réagir à la menace terroriste par de nombreuses et graves atteintes aux Droits de l’Homme, plus particulièrement à l’établissement pénitentiaire américain de Guantanamo Bay à Cuba. (C) Reuters

Puis ce furent les émeutes de la faim de 2008 – les premiers symptômes de la crise du système mondial de finance et d’économie de marché qui se poursuit aujourd’hui. Après que la spéculation financière sur les denrées alimentaires de base a produit des effets dévastateurs dans la plupart des pays en développement, la crise des subprimes aux Etats-Unis a mis à genoux même le pays le plus fortuné au monde, conduisant une corporation de premier plan comme Lehman Brothers à la faillite pure et simple et mettant au jour le système de fraude à long terme du courtier-vedette Bernard Madoff. Autant dire que des droits fondamentaux comme l’alimentation ou le logement, on pouvait les oublier. Dans de nombreux pays, riches comme pauvres, le sentiment général était que la mondialisation économique était coupable et que les frontières nationales étaient désormais les (seuls) remparts des peuples contre la violation de leurs droits économiques et sociaux, comme ce fut le cas au Venezuela de Hugo Chavez. Le populisme est également monté en Occident, restreignant les limites du questionnement politique au fait de savoir à quel point exactement les immigrés faisaient du tort à l’emploi et au pouvoir d’achat. Considérés à présent comme élitistes en Occident et comme « occidentaux » dans le reste du monde, les Droits de l’Homme furent forcés de plier sous le poids de l’écroulement de l’économie.

Le résultat en fut que, lorsque la première décennie du siècle nouveau toucha à sa fin, les Droits de l’Homme tels qu’ils avaient été codifiés à Paris et New York à l’issue de la Seconde Guerre Mondiale apparaissaient comme morts et enterrés. Dans son édition du 18 février 2010, Newsweek alla jusqu’à proclamer la « Mort des Droits de l’Homme »[2], expliquant en détail comment les Etats occidentaux en étaient venus à ne plus prêter aucune attention aux bilans désastreux en matière de Droits de l’Homme de leurs partenaires économiques, politiques et militaires en Asie, en Afrique et au Moyen-Orient. Alors que la crise économique s’éternise et que l’islamisme armé essaime aujourd’hui jusque dans une Afrique subsaharienne relativement épargnée, l’homme de la rue désabusé et des grands de ce monde qui le sont tout autant ont appris à s’en remettre au jeu cynique de la géopolitique et à ne plus guère aimer les Droits de l’Homme que comme une philosophie bienveillante qui serait politiquement irréalisable.

Serait-ce vrai ? Mais pourquoi alors quiconque, où que ce soit, devrait-il continuer à se battre pour les Droits de l’Homme ?

Le 11 décembre 2008, le courtier-vedette Bernard Madoff fut arrêté aux Etats-Unis pour avoir commis une présumée fraude d’un montant de 50 milliards de dollars. ( C ) The Telegraph – Derek Blair

Le 11 décembre 2008, le courtier-vedette Bernard Madoff fut arrêté aux Etats-Unis pour avoir commis une présumée fraude d’un montant de 50 milliards de dollars. ( C ) The Telegraph – Derek Blair

Pas si vite. Dire que les décennies actuelle et précédente n’ont rien apporté de bon aux Droits de l’Homme, en ce qu’elles auraient été au mieux infructueuses et au pire dangereuses, serait des plus naïfs – ou des plus malhonnêtes.

Tout d’abord, même si elle a fait aux Droits de l’Homme un mal indiscutable, la crise économique n’offre pas matière à s’inquiéter, du moins en ce qui concerne les pays occidentaux. Comme l’ont expliqué les politologues américains Christian Welzel et Ronald Inglehart dans leur livre de 2005 Modernization, Cultural Change and Democracy (Modernisation, changement culturel et démocratie)[3], cité par Larry Diamond, professeur à l’Université de Stanford, dans The Spirit of Democracy (L’esprit de la démocratie)[4], les difficultés économiques rendent la population plus encline à affirmer des valeurs de survie, à savoir des valeurs conservatrices, sectaires et casanières, plutôt que des valeurs d’expression de soi qui permettent la liberté, l’autonomie et la tolérance.

Nous ne traversons donc pas un moment de rejet des Droits de l’Homme en eux-mêmes, mais en fait un moment d’angoisse et de doute alimentés par l’incertitude quant au présent et à l’avenir de l’emploi, de la sécurité sociale et de la fiscalité. Les politiques d’austérité, toutefois, jouent bel et bien un rôle en faisant naître chez les citoyens un sentiment que l’on en fait plus pour sauver leurs banques que pour venir en aide à leurs comptes bancaires en souffrance.

Alors que le mécontentement social monte dans les pays en faillite ou risquant de l’être, de plus en plus d’électeurs frustrés en arrivent à traduire leur adhésion aux valeurs de survie en votant pour la première fois de leur vie pour l’extrême droite, laquelle va du Front National qui, en France, s’escrime à se donner bon genre, au parti ouvertement néo-nazi Aube Dorée en Grèce. L’attitude parfois ambiguë des partis au pouvoir envers les migrants, particulièrement envers les Roms, vient fournir un encouragement malvenu à l’intolérance en faisant penser aux citoyens que leur haine de tout ce qui vient d’ailleurs est justifiée.

En Grèce, Nikólaos Michaloliákos dirige le parti Aube Dorée, dont l’emblème rappelle le svastika des Nazis et dont la rhétorique violente et haineuse fait resurgir des souvenirs des heures les plus noires de l’histoire européenne moderne.

Ensuite, bien que les années 2000 aient été en effet largement perturbées tout à la fois par le terrorisme et par la réaction agressive de l’Amérique à celui-ci, elles furent indéniablement des années de progrès authentiques et importants pour les Droits de l’Homme dans le monde, dans la parfaite continuité de l’année 1998 qui avait vu l’adoption tout à la fois du Statut de Rome créant la Cour pénale internationale (CPI) et, le 9 décembre, de la Déclaration sur les Défenseurs des Droits de l’Homme, « née » Résolution 53/144 de l’Assemblée générale de l’ONU.

La CPI, justement, a vu le jour en 2002, le seuil de la ratification du Statut de Rome par soixante Etats ayant été atteint cette année-là.

Quatre ans plus tard, c’est encore un autre organe de l’ONU qui était créé, cette fois à partir d’un qui existait déjà – le Conseil des Droits de l’Homme, conçu pour remplacer la Commission des Droits de l’Homme qui se trouvait depuis déjà longtemps sous le feu des critiques en raison de ses mécanismes archaïques et inefficaces de surveillance et de sanctions, ainsi que pour avoir permis à des régimes autoritaires et répressifs de prendre part à ses activités.

En septembre 2007, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté la Déclaration sur les Droits des Peuples indigènes, premier instrument international de Droits de l’Homme de tous les temps à définir de manière universelle les droits spécifiques des populations indigènes dans chaque pays, qu’ils soient civils, politiques, économiques, sociaux ou culturels. Sans surprise, quatre gouvernements connus pour être encore aux prises avec des revendications autochtones chez eux ont voté contre – les Etats-Unis, le Canada, la Nouvelle-Zélande et l’Australie.

L’année suivante vit l’entrée en vigueur de la Convention sur les Droits des Personnes handicapées, enfin rédigée en 2006 après des années d’opposition farouche de la part de l’Administration Bush qui soutenait que les Etats-Unis et tous les autres pays du monde devraient avoir des lois nationales propres quant aux droits des handicapés plutôt qu’un traité mondial. En fait, la réticence américaine s’avéra être la meilleure justification possible pour la création d’un traité de l’ONU sur les droits liés au handicap, en ce qu’elle rappelait à une communauté internationale oublieuse que le handicap était, depuis les années 1970, une question pleine et entière de Droits de l’Homme au sein de l’Organisation mondiale[5]. Même si les Etats-Unis ont fini par rejoindre la Convention en qualité de signataires, l’Administration Obama ne l’a toujours pas ratifiée.

Avec la création de la Convention vint celle d’une agence de l’ONU chargée d’encourager et de surveiller le respect par les Etats membres des dispositions de celle-ci, UN Enable. Une autre nouvelle agence de l’ONU de premier plan créée pendant les années 2000 fut ONU Femmes, officiellement dénommée l’Entité des Nations Unies pour l’Egalité de Genre et l’Autonomisation des Femmes. Sa Directrice exécutive fondatrice fut l’emblématique ancienne Présidente socialiste du Chili Michelle Bachelet.

Un monde qui serait devenu totalement obsédé par l’idée d’arrêter le terrorisme n’aurait jamais pu aller si loin pour faire progresser les Droits de l’Homme et les enraciner sans conteste, au bout du compte, dans le vingt-et-unième siècle.

Le siège de la Cour pénale internationale à La Haye (Pays-Bas).

Le siège de la Cour pénale internationale à La Haye (Pays-Bas).

CQFD. Les Droits de l’Homme ont beau être moins populaires de nos jours, l’on en a pourtant toujours autant besoin qu’avant, besoin mais aussi envie, même si l’on sera moins prompt que dans le passé à l’avouer.

Le problème est que la « guerre contre le terrorisme » et les valeurs de survie inspirées par la crise qui se sont répandues à travers le monde depuis le début du siècle font qu’il est beaucoup plus difficile pour les Défenseurs des Droits de l’Homme, qu’ils soient isolés ou membres d’organisations non-gouvernementales (ONG), d’exercer leurs fonctions et activités habituelles sans craindre d’être réprimés ou à tout le moins intimidés. Certains gouvernements ont même commencé à les fustiger comme « ennemis de l’Etat », ainsi de la Russie qui impose aujourd’hui un label « agent de l’étranger » aux ONG recevant un soutien financier depuis l’extérieur du pays.

Le 15 mars, en réaction à de tels développements catastrophiques, quinze ans après que l’Assemblée générale de l’ONU a adopté la Déclaration sur les Défenseurs des Droits de l’Homme, le Conseil des Droits de l’Homme a adopté une résolution au titre éloquent – « Protéger les Défenseurs des Droits de l’Homme ».

Dans son Préambule, la résolution, proposée à l’origine par la Norvège, rappelle que « toutes les dispositions de la [déclaration de 1998] restent fondées et applicables », rappelant aussi les résolutions précédentes du Conseil et de l’Assemblée générale ainsi que le Programme d’Action de la Conférence de Vienne de 1993 sur les Droits de l’Homme, qui fut le premier événement international d’envergure consacré aux Droits de l’Homme après la fin de la guerre froide. La résolution réaffirme que « les États sont tenus de protéger tous les droits de l’homme et libertés fondamentales de tous », reconnaît que « les défenseurs des droits de l’homme apportent une contribution importante, aux niveaux local, national, régional et international, à la promotion et à la protection des droits de l’homme », et souligne en conséquence que « le respect et le soutien manifestés pour les activités des défenseurs des droits de l’homme, y compris les femmes qui défendent ces droits, sont déterminants pour la jouissance globale des droits de l’homme ».

La résolution appelle tous les Etats membres de l’ONU à éviter ou cesser de recourir au droit interne et aux dispositions administratives, en ce comprises « les lois et autres mesures relatives à la sécurité nationale et à la lutte antiterroriste, telles que les lois régissant les organisations de la société civile », pour entraver le travail des Défenseurs des Droits de l’Homme, a fortiori pour les stigmatiser ainsi que leur dévouement sans relâche. Elle met également l’accent sur le rôle important que jouent « les nouvelles formes de communication, y compris la diffusion d’informations en ligne et hors ligne, peuvent constituer pour les défenseurs des droits de l’homme », car elles sont des « outils importants leur permettant de promouvoir et favoriser la protection des droits de l’homme ».

Le Conseil des Droits de l’Homme en session au Palais des Nations à Genève (Suisse).

Le Conseil des Droits de l’Homme en session au Palais des Nations à Genève (Suisse).

Prenant la mesure de la « discrimination et la violence systémiques et structurelles subies par les femmes qui défendent les droits de l’homme », la résolution « engage les États à prendre en compte les considérations liées au genre » dans leurs entreprises de sécurisation et de garantie de la liberté d’action des Défenseurs des Droits de l’Homme au sein de leurs frontières.

Dans l’une des déclarations les plus fortes de toute la résolution, le Conseil, s’appuyant directement sur des instruments de Droits de l’Homme de l’ONU aussi primordiaux que la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, le Pacte international relatif aux Droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux Droits économiques, sociaux et culturels, appelle tous les pays à « instaurer un climat sûr et porteur qui permette aux défenseurs des droits de l’homme d’agir sans entrave et en toute sécurité, dans l’ensemble du pays et dans tous les secteurs de la société, et notamment à apporter leur appui aux défenseurs des droits de l’homme au niveau local ».

Adoptée avec le soutien de nombreux Etats non-membres du Conseil, tels que la France, le Costa Rica, le Portugal, la Suède et l’Uruguay, mais aussi, de manière plus surprenante lorsqu’il s’agit de Droits de l’Homme, de la Côte d’Ivoire, de la Géorgie et de la Turquie, la résolution survient tel un vibrant rappel à l’ordre, réaffirmant la pertinence et l’importance du travail des Défenseurs des Droits de l’Homme dans le monde d’aujourd’hui et confirmant que celui-ci n’est ni un luxe suranné, ni une croisade d’arrière-garde coupée de la réalité, mais une nécessité claire et immédiate.

Dans l’un de ses plus grands succès, parfois utilisé comme un « hymne de la maison » par Amnesty International, Bob Marley chantait :

 “Get up, stand up,

Stand up for your right,

Get up, stand up,

Don’t give up the fight”,

« Allez, debout,

Luttez pour vos droits,

Allez, debout,

N’abandonnez pas. »

Marley a disparu depuis trente-deux ans, mais ses mots n’ont jamais cessé de résonner comme un appel au courage et à l’action pour les Défenseurs des Droits de l’Homme en tous lieux.

Plus que jamais, nous, Défenseurs des Droits de l’Homme, devons faire briller la flamme, cette même flamme qui symbolise les Droits de l’Homme au sein de l’ONU, et poursuivre notre combat, sans nous laisser dissuader, sans nous laisser décourager, sans nous laisser impressionner. A présent, la dernière ligne de défense de l’humanité contre la peur et le désespoir, c’est nous.

 A l’ONU, les Droits de l’Homme sont représentés par un flambeau, le flambeau pour une vie de plein épanouissement. Le flambeau représente également ceux qui le portent à travers le monde – les Défenseurs des Droits de l’Homme.


A l’ONU, les Droits de l’Homme sont représentés par un flambeau, le flambeau pour une vie de plein épanouissement. Le flambeau représente également ceux qui le portent à travers le monde – les Défenseurs des Droits de l’Homme.

Bernard Henry est l’Officier des Relations Extérieures du Bureau de Représentation auprès de l’Office des Nations Unies à Genève de l’Association of World Citizens.

 

 

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