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J’étais là

In Being a World Citizen, Current Events, Fighting Racism, Human Rights, Solidarity on December 2, 2013 at 11:24 AM

J’ETAIS LA

Par Bernard Henry

Samedi 30 novembre 2013. Me voici de retour chez moi à Suresnes. Je viens de participer à la Grande Marche contre le Racisme organisée à Paris par un certain nombre d’associations, dont Amnesty International avec laquelle j’ai moi-même marché.

On nous avait dit de ne pas aller marcher à Paris, car cette marche ne serait qu’une manœuvre de diversion du Parti Socialiste pour cacher les mauvais résultats de l’action du Gouvernement. On nous avait encore dit, du côté du Front National et des islamistes, extrêmes qui comme toujours se rejoignent, qu’il était « inutile » d’aller ainsi marcher – comme quoi il est toujours « utile », en tout état de cause, de se demander à qui profite le crime, en l’occurrence le racisme.

Moi-même, j’étais sollicité pour deux autres événements aujourd’hui, et avec la marche, cela m’en faisait trois parmi lesquels il me fallait choisir.

Je n’ai pas choisi, tout au long de mon existence, de subir des injures et des attaques sur le fait que je sois handicapé, ou que je sois juif, ou que je sois d’origine étrangère (du côté maternel, ce qui explique mon nom français car seul mon père l’était). Celle que j’aime, ses enfants d’une précédente union et nombre de mes ami(e)s n’ont pas choisi non plus de subir les mêmes choses parce que leur peau est plus mate, leur nom plus difficile à prononcer et leur appétit mis entre parenthèses en journée pendant un mois chaque été.

De même, Christiane Taubira, Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, ne s’est vue laisser aucun choix lorsque d’aucuns l’ont comparée à un animal parce qu’elle a la peau noire, si courageux de leurs idées qu’ils ont parfois envoyé le faire à leur place leurs enfants dont ils ont ainsi pollué l’esprit. Même les Nations Unies ont condamné ces attaques contre elle[i].

Dans l’émission Envoyé Spécial de France 2, une candidate investie pour les prochaines municipales par le Front National, parti français d’extrême droite, a montré avec fierté un odieux montage photo de sa composition dans lequel elle compare la Ministre française de la Justice à un singe parce qu’elle est de couleur noire.

Dans l’émission Envoyé Spécial de France 2, une candidate investie pour les prochaines municipales par le Front National, parti français d’extrême droite, a montré avec fierté un odieux montage photo de sa composition dans lequel elle compare la Ministre française de la Justice à un singe parce qu’elle est de couleur noire.

Il n’était donc qu’un seul endroit où je pouvais et devais me trouver aujourd’hui, et cet endroit, c’était l’espace qui sépare la Place de la République de la Place de la Bastille à Paris, cet espace qui a accueilli la Grande Marche contre le Racisme.

Abraham Lincoln, le Président des Etats-Unis qui a aboli l’esclavage dans son pays, ayant payé de sa vie son courage politique, a dit un jour : « On peut tromper quelques personnes pendant quelques temps ; on peut tromper tout le monde pendant quelques temps ; mais on ne peut pas tromper tout le monde tout le temps ».

En matière de lutte contre le racisme, Lincoln reste une référence dans l’histoire américaine et mondiale. Si les Etats-Unis ont cessé de prendre pour acquis qu’un être humain pouvait être la propriété d’un autre en raison de sa seule couleur de peau, c’est grâce à lui.

Dans l’opinion publique française, les discours racistes ont acquis au cours des derniers mois une popularité inquiétante. Mais la résistance existe et n’a pas peur de s’afficher.

Dans l’opinion publique française, les discours racistes ont acquis au cours des derniers mois une popularité inquiétante. Mais la résistance existe et n’a pas peur de s’afficher.

Aujourd’hui, la France connaît à nouveau, comme avant la Seconde Guerre Mondiale puis dans les années 1950, une montée de l’insanité raciste et des agressions envers celles et ceux qui ne ressemblent pas à la majorité. La Grande Marche contre le Racisme de cet après-midi a démontré que la population n’était pas unanime, loin s’en faut, à suivre ce mouvement de folie.

Elle réagit. Nous réagissons, toutes et tous ensemble. Nous disons non au racisme, non à la fatalité historique qui vouerait la France à la haine de l’autre. Mais pour capital qu’il était d’y prendre part, cette marche n’est en tout et pour tout qu’un instant. Elle n’est pas une finalité.

C’est chaque jour qu’il faut agir, c’est ensemble qu’il faut agir. C’est ainsi que les tenants de la haine comme instrument politique finiront par comprendre que leurs intrigues ne seront pas couronnées de succès.

C’est ce qu’avait compris, cent ans après Lincoln aux Etats-Unis, Martin Luther King, lui aussi assassiné parce qu’il voulait mettre fin au racisme dans son pays. Le Révérend savait combien l’inaction, le renoncement, le fatalisme étaient nuisibles à la lutte contre le sectarisme et l’injustice. Parmi ses nombreuses maximes passées à la postérité, il y a celle-ci :

« A la fin, nous nous souviendrons non pas des mots de nos ennemis, mais des silences de nos amis. »

« On ne peut pas continuer comme ça », ai-je entendu Geneviève Garrigos, Présidente d’Amnesty International France, déclarer à une journaliste de BFM TV. J’étais là. Je l’ai entendue le dire à deux mètres de moi. J’étais là, quand d’autres l’auront entendue plus tard à la télévision. Si par bonheur, Geneviève les a convaincus, qu’ils passent à l’action à leur tour, sans quoi encore plus tard, peut-être, sera trop tard.

Bernard Henry est Officier des Relations Extérieures du Bureau de Représentation auprès de l’Office des Nations Unies à Genève de l’Association of World Citizens.


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